Archive for juillet, 2007

J’osais… quoi ?

C’est à Natacha que je dois de connaître le mot "Joseki"

Si j’en crois Wikipédia, un joseki désigne dans le jeu de Go une séquence de départ archiclassique, principalement en début de partie. Natacha s’amuse à appeler ainsi un échange classique de début de conversation, du genre "salut! ça va? -oui et toi?".Go

Selon les cultures, les joseki verbaux peuvent prendre beaucoup de temps. Lorsque mon ex belle-mère méditerranéenne a rencontré la nounou qui gardait à l’époque Raphaël, elles ont passé une bonne demi-heure à échanger les mêmes phrases de salutation que si elles étaient deux copines se rencontrant au marché. Elle ne terminait jamais une conversation téléphonique avec moi sans m’avoir demandé des nouvelles de mes parents, de mes frères et soeurs, de mes grands-parents, et j’en passe. Il fallait donc environ un quart d’heure pour prendre congé.

Il y a un petit moment déjà, j’avais répondu à un message sur un forum familial, essayant en substance d’avertir une femme qui allait se lancer dans la procréation assistée, de la difficulté et des incertitudes des épreuves qui l’attendaient. Il faut dire que je sortais tout juste de la lecture de "Un bébé, mais pas à tout prix", de Brigitte-Fanny Cohen, qui traite justement de ce thème et reproche notamment aux médecins de traiter les couples sans tact ni ménagement, et aussi d’occulter volontiers leurs échecs au profit de leurs réussites, donnant ainsi aux couples en mal d’enfants un espoir hors de proportion avec les statistiques réelles de succès. Là-dessus, Chrismine, que je ne connaissais pas du tout, m’a reproché avec virulence (en privé, il est vrai) de ne pas encourager davantage la personne qui demandait des conseils. Je lui ai expliqué pourquoi j’avais répondu ainsi, elle m’a assez rapidement répondu. Nous n’étions toujours pas d’accord, mais nous étions expliquées. L’échange terminé, nous avions échangé nos adresses msn.

Seulement voilà… depuis, Chrismine s’est révélée être une adepte du Joseki verbal.

On vous parle : "Salut!". Vous saluez. On vous demande "ça va ?". Vous répondez que oui. Et elle-même? Oui.

Et là, honnêtement, je ne voyais pas quoi lui répondre. C’est à peine si je la connaissais. C’est elle qui m’avait adressé la parole, et comme j’étais moi-même occupée à autre chose, j’ai trouvé bizarre qu’elle n’ait pas envie d’ajouter quelque chose au petit Joseki. Je ne lui ai donc pas répondu.

Au bout d’environ une minute, c’est elle qui m’a relancée : "Tu n’es pas là?".

Récapitulons. Elle me contactait pour que je fasse les frais de la conversation alors qu’on ne se connaissait pas…! Il fallait que le la distraie sur demande?

On va bien voir. J’ai tenté l’expérience.

Je lui racontai quelques nouvelles anodines. Je ne sais plus ce que j’ai trouvé à lui jeter en pâture : des banalités sur mon travail ou sur le temps, je crois. Cela a relancé les choses. Elle m’a lancé l’équivalent en échange. Elle m’a appris, au détour d’une allusion à sa visite de la Xème semaine, qu’elle était enceinte -ce que j’ignorais… normal, puisque j’ignorais presque tout d’elle- et j’ai cru comprendre qu’elle attendait de moi que je lui demande des nouvelles de sa grossesse.

Elle ne se souvenait de rien sur moi, ni de mon âge, ni du fait que j’avais des enfants, ni du fait que je vivais seule avec eux. Elle m’a donc fait sourire quand elle m’a demandé si je ne voulais pas des enfants, moi aussi. Ah bon, je n’avais pas envie tout de suite ? Mais quel âge j’avais ? Ah bon… mais j’avais encore le temps, m’a t’elle assuré. J’ai mis fin à ses souffrances en lui parlant de mes demi-clones déjà existants.

Au final, la conversation s’est révélée aussi creuse que prévu. Nous nous sommes limitées à notre dénominateur commun : notre paire de chromosomes X. A mes yeux, nous n’avions visiblement aucun atome crochu particulier, mais aux siens, cela suffisait à fonder un joseki prolongeable à volonté autour de son état de grossesse et de nos enfants respectifs. Pour la petite histoire, je n’ai pas échappé à une réaction type "C’est le choix du roi!!" quand j’ai dit que j’avais un garçon et une fille.

Pourquoi n’ai-je pas répondu avec plus de plaisir et de curiosité à cette personne qui demandait mon attention ? Je me sens bien dans un échange lorsqu’il est mutuel, quand les affinités font que chacun apporte quelque chose à l’autre. Là, je ne sais pas, mais quelque chose ne collait pas.

Je n’ai rien contre le "small talk", les conversations anodines. Elles ont une fonction quotidienne, permettent de faire connaissance ou de garder un contact, parfois d’en apprendre beaucoup plus sur quelqu’un que le fond de la conversation lui-même. Mais quand la mayonnaise ne prend pas au départ, elle est difficile à faire monter, surtout avec quelqu’un dont on ne connaît à peu près rien d’autre qu’un pseudo et qui ne personnalise pas son approche.

On ne peut pas plaire à tout le monde… ni aller vers tout le monde.

Et quand on tente un joseki, il vaut mieux apporter quelques pierres à poser sur le goban…

Rendez-vous extrême

Je le vois toutes les semaines. Il est plutôt trapu, très fort, avec des yeux bleu clair.

Cela commence toujours lentement, presque avec douceur. Mais il est très directif, dès le début. Je ne fais pas un geste qu’il ne m’ait dicté, vers lequel il ne m’aie guidée.

Puis les choses s’accélèrent. Mon souffle se brusque, mon coeur se précipite. La tension et les sensations montent inexorablement. J’accompagne ses mouvements de jambes et de hanches. Je ne le quitte pas des yeux, parfois c’est son reflet que j’observe dans les grands miroirs accrochés aux murs. Il me dirige de ses gestes et de sa voix, tantôt grave, tantôt taquine, presque animale parfois. Jusqu’au moment où j’ai l’impression d’être à bout de souffle, au bout de mes sensations. Mon coeur bat à tout rompre, je ne suis plus que dans l’instant, dans cette intensité qui n’en finit pas. Son visage est crispé par l’effort et trempé de sueur. C’est son regard presque dur, c’est son sourire presque narquois, qui me poussent à aller encore plus loin. Des sensations inconnues, tout mon corps qui me brûle, et lui qui m’oblige à poursuivre… encore un peu, encore plus longtemps.

Enfin tout cela se termine. Dégoulinant de sueur, nous sommes étendus sur le dos, exténués, apaisés.

Après quelques minutes de stretching, c’est la fin du cours. "Attention à bien dégager les épaules pendant les fentes, tu rentres un peu trop le torse", m’a t’il simplement conseillé.

La semaine prochaine, même jour, même heure ?…

Reminder

Imaginez un immeuble haussmannien. Plafonds hauts, moulures, murs en pierre de taille.

Le hall est le plus souvent presque désert et silencieux, larges portes fermées sur des bureaux feutrés, confidentiellement affairés. Une cage d’escalier immense, où se déroule une haute rampe en fer forgé, noire et dorée. D’immenses miroirs sur chaque palier. Un tapis de moquette sous vos pas, maintenue à chaque marche par une barre dorée, un motif à feuilles d’automnes somptueux et discret. De grandes fenêtres aux vitraux jaunes et blancs, assortis au tapis, illuminent l’escalier. Seuls les panneaux d’issue de secours tranchent discrètement sur cette harmonie de crèmes, de noir et de dorés.

Et là, en plein sur un mur, entre deux étages…. Bien en évidence…

Un post-it jaune flashy, avec un numéro de fax indéterminé gribouillé au bic.

Comment diable est-il arrivé là ? Est-il tombé d’un attaché case pour être ramassé par un bon samaritain qui a voulu le mettre en évidence, pour qu’il puisse être retrouvé ?

Est-ce la manière comme il faut de faire un graffiti dans les beaux quartiers ?

En tout cas, ça vous casse une ambiance…!

Elephantes roses (3)

Comme je vous l’annonçais ici, les choses ont un peu changé depuis l’écriture de "Rose Bonbonne" (rebaptisée "Rose Bonbon" dans la nouvelle édition).

rosebonbon2

Déjà, les éléphantes se sont rendues compte qu’au fond elles aimaient bien continuer à manger des anémones et des pivoines. Et aussi, accessoirement, que si elles n’avaient pas au moins une vague couleur rosée et si elles étaient aussi couvertes de boue que les autres, les éléphanteaux les plus obtus les prenaient pour des garçons. Certes, elles ont le droit de jouer dans la savanes avec les éléphanteaux, mais elles continuent donc, pour le plus grand bonheur de l’industrie florale et textile, à acheter à prix d’or les dernières espèces d’anémones et de pivoines au liposomes  et à faire les soldes pour faire collection de collerettes et de chaussons de toutes couleurs et de toutes formes.

Elles se sont rendues compte qu’elles s’étaient aussi un peu fait piéger. Que ce n’était pas en brûlant leur collerette qu’elles auraient les mêmes droits que les éléphanteaux. Elles ont gagné le droit d’avoir un poste-clé dans la tribu, sauf qu’elles recevront toujours en contrepartie moins de bananes et d’ananas qu’un éléphant et qu’elles devront  être plus compétentes qu’eux pour y arriver.  Elles ont le droit d’aller patauger dans la même mare de boue que les éléphants, sauf qu’elles doivent garder leur collerette et leurs chaussons à talons, et surtout garder tout cet attirail sans se salir si elles veulent se faire respecter.

Bref, elles ont plus de liberté qu’avant, mais ça n’a plus grand chose à voir avec le fait de porter ou non des atours roses (ou bleus, ou verts, selon la mode) et de manger des pivoines et des anémones (ou des coquelicots lissant performance thermo-contrôle aux extraits d’ADN). Les stéréotypes ont la vie dure, et si une éléphante, de nos jours, ne mange pas une seule fleur et ose peser un peu plus qu’une gazelle, elle prend des risques. Les éléphantes, elles aussi, sont des hyènes, parfois (Letesle, oserais-tu aller au boulot avec zéro maquillage et sapée comme un clochard ?).

Mieux encore : il existe maintenant des enclos pour éléphants, avec leurs fleurs spécifiques mais qui ressemblent un peu aux anémones et aux pivoines. Il y a même des appareils de muscu et des lampes à UV. On encourage donc les éléphants à se faire beaux, eux aussi, et certains y prennent plaisir, eux aussi.

On a aussi découvert un deuxième enclos, où une autre tribu élève ses petites éléphantes selon un système un peu similaire à l’ancien. Là, les éléphantes doivent continuer à manger des fleurs infectes pour avoir une peau rose et les yeux grands et brillants, mais en plus elles doivent porter en permanence une espèce de toile de tente qui les recouvre entièrement. Sans ça, d’autres éléphants que leur mari pourraient les voir. Celles là, il faudrait leur envoyer quelques caisses du bouquin…

Par les sentiments

Je me suis laissée embobiner par un beau brun mielleux, tendance beau parleur. Mais il faut dire qu’il a un sourire vraiment craquant.

Le réveil avait été effroyable. J’avais passé mon temps à essuyer les pleurs, faire le gendarme dans les disputes autour de babioles, souffler sur les bosses, essuyer le Nutella étalé par terre, et je tentais depuis environ une heure d’obtenir que nous soyons tous les trois assez présentables pour aller faire deux-trois courses.

Vint le moment où j’ai haussé la voix, exaspérée :

"Quoi, Raphaël, tu n’as toujours pas mis ton pantalon ?" [alors qu’il avait mis ses chaussures…les voies des demi-clones sont impénétrables]. "Mets ton pantalon TOUT DE SUITE!!".

Il m’a fait des yeux aussi grands que le Chat Potté de Shrek, un sourire tendre, a ouvert les bras et s’est serré contre mes jambes pour que je lui fasse un câlin. Evidemment, j’ai fondu._2269_Chat_potte

Manipulateur, va !

Elephantes roses (2)

Je me permets au passage une remarque sur un détail qui me chiffonne un peu. Dans l‘histoire de Rose Bonbonne, Pâquerette ne lance sa révolution que par défaut. Elle se goinfre pendant des années d’anémones et de pivoines pour essayer de devenir aussi rose que ses copines, essuie l’immense tristesse de sa mère et les foudres de son père "Attention Pâquerette, si tu continues comme ça, tu ne deviendras jamais une belle éléphante ! Voudrais-tu te rebeller?"  etc etc.

Pâquerette, la future meneuse féministe, est donc au départ une fille soumise qui "se taisait" et qui "reprenait encore une bouchée d’anémones et quelques pivoines" sous l’oeil compatissant de ses bimbos de copines.elephant_rose

Enfin, les parents de Pâquerette "abandonnent tout espoir de la voir devenir belle et rose". Ce n’est qu’alors que Pâquerette, "soulagée", décide d’ôter ses oripeaux rose bonbon et d’aller rejoindre ses petits camarades pour jouer dans la boue, faire la sieste, se goinfrer de chips de fruits ou faire le concours de qui a la plus grosse trompe (bon, ça c’est pas dans le bouquin, mais je suis sûre que vers la puberté, les éléphanteaux s’y mettaient aussi).

Ce qui décide Pâquerette à vivre sa vie, c’est qu’elle n’a plus de pression familiale. Ce qui décide ses copines à la suivre, c’est donc l’exemple d’une rebelle qui n’est même pas là par choix ! Donc les premières féministes seraient des candidates à la bimbotude qui ont échoué ??

Je m’y prends un peu tard pour te passer un savon, Adela Turin, mais tu ne leur donnes pas le rôle le plus gratifiant, là… c’est un peu comme si Superman ne devenait super-héros que parce qu’il échoue à être pigiste, ou si le Prince Charmant n’était amené à pourfendre des dragons que parce qu’il n’arrivait pas à ramasser du fumier correctement ! Peut-être n’as-tu pas osé dresser à l’attention d’enfants encore très jeunes, le portrait d’une jeune fille qui s’insurge contre le modèle donné par ses parents ? Comme quoi on peut être contestataire et respectueux des traditions et du respect envers les aînés…

Elephantes roses (1)

Il était une fois, au pays des éléphants…RoseBonbon

Non, mais vous êtes combien, au juste, de lectrices, ou pourquoi pas des lecteurs (trentenaires ou à peu près, j’imagine) à connaître "Rose Bonbonne" ??

"Rose Bonbonne" est un livre pour enfants écrit en 1976 par Adela Turin (le titre original italien est "Rosaconfetto").

Pour ceux qui ne connaîtraient pas, voici l’histoire (attention, spoiler!). Pardon pour les quelques libertés que j’ai prises avec la vraie histoire, c’est juste pour vous donner une idée à vous qui n’êtes plus des enfants :

Dans cette tribu d’éléphants, les garçons avaient l’air d’éléphants normaux (gris) alors que les filles avaient la peau rose, grâce à un régime végétarien exclusif (anémones et pivoines, pour être précise). La peau lisse et rose étant visiblement ZE critère de beauté dans cette tribu, il y avait une méga discrimination entre les petits éléphants et les petites éléphantes. Alors que les petits éléphants avaient le droit d’obéir à leurs instincts naturels (faire les crétins, se rouler dans la boue, faire la sieste, regarder le foot, boire de la bière), les filles devaient passer leur temps à manger des fleurs pour garder leur jolie peau "lisse comme une pomme". Pour couronner le tout, elles devaient porter un attirail ridicule "pour aider le rose à venir" : chaussons roses, collerette rose, et noeud rose au bout de leur queue.

Devinez ce qu’on leur disait, si elles ne mangeaient pas bien toute leur ration de foin de fleurs ? Je vous le donne en mille. Qu’elles ne deviendraient pas belles et roses comme leurs mamans, avec des yeux grands et brillants, et qu’elles ne  trouveraient pas de mari !

Traduction: pour mériter un de ces espèces de lourdeaux immatures et crado, ces petites éléphantes se devaient de suivre une discipline spartiate : s’ennuyer à mourir dans leur petit enclos et porter des acccessoires Barbie à longueur de journée.

Or, il y en avait une qui n’arrivait pas à devenir rose. Elle aurait bien voulu, pour faire plaisir à Papa-Maman, mais elle n’y arrivait pas. Ce n’est que le jour où ses parents ont abandonné tout espoir de la voir devenir une vraie potiche que Pâquerette, car tel était son nom, s’est sentie libre de faire sa révolution perso, de brûler son soutien-gorge sa collerette rose et d’aller faire la folle dans la savane avec les petits éléphanteaux.

Du coup, les autres se sont rendues compte qu’elle avait l’air de s’amuser bien plus qu’elles et l’ont toutes suivie, les unes après les autres. Dès qu’elles ont cessé de "s’entretenir", les petites éléphantes roses sont redevenues grises.

C’est depuis ce temps là, conclut la version originelle du conte, qu’on ne savait plus distinguer les éléphants des éléphantes dans cette tribu.

La version moderne (car l’histoire a été rééditée) est subtilement différentes : "c’est depuis ce temps là que ce n’est plus à leur couleur qu’on distingue les éléphants des éléphantes".

C’est là que commencent les nuances à apporter à ce conte féministe.

Je vous livre bientôt mes réflexions sur les éléphantes roses modernes.

Des héros urbains

Que peut-on faire contre un malotru de livreur qui se gare en plein couloir de bus et empêche tout le monde de passer ?superprof

Rien, apparemment, si l’on en croit un billet de Hell. Hell est une bloggeuse au style agréable, mais qui n’a pas peur de paraître "tête à claque" ou provocatrice, ni d’être politiquement incorrecte : elle s’en est déjà pris par le passé à ces assistées de mères qui osent espérer un coup de main quand elles doivent trimballer une poussette dans un bus. Elle est d’une fragilité et d’un mal-être palpables, avec des jugements d’adolescente  en croisade sans merci contre la médiocrité du monde qui l’entoure.

Hell, donc, s’est retrouvée coincée dans un autobus (encore!) avec quelques personnes.

Le livreur, donc, n’a pas cédé à la demande polie du conducteur de déplacer son fourgon de deux mètres (!) mais a fini par céder lorsque deux passagers s’en sont mêlés, chauffés à blanc.

Hell a pris le parti de rester en retrait et de se moquer intérieurement (mais supérieurement) des deux "salauds" (sic), à qui elle reproche, si j’ai bien compris, de s’être sentis des héros à peu de frais alors qu’ils ne sont que des individus très communs.

Moi je trouve qu’ils ont plutôt bien fait, les deux héros urbains. On est d’accord : une situation comme ça n’est pas la fin du monde. Certes. Mais ce genre d’incivilité, si mesquine soit-elle, m’insupporte. Le couloir de bus, c’est fait pour les bus, et la moindre des choses, quand on bloque la circulation et qu’on peut faire autrement en se déplaçant de deux mètres, c’est de le faire. Là, le livreur avait les moyens de mettre un bus entier devant le fait accompli (et de faire perdre une demi-heure à un nombre de personnes non précisé) et ne s’en est pas privé. Peut-être qu’il a fallu un héros au petit pied pour réagir à un villain au petit pied ?

Hell n’a pas non plus apprécié le physique des héros en puissance : une femme "dont la taille ridicule [lui] a donné envie de la faire valser d’une chiquenaude" (sic) et un professeur un peu trop vieux. Si je comprends bien, pour avoir le droit de ne pas se faire piétiner, aux yeux de Hell, il faut être jeune, grand, athlétique, et ne pas exercer un métier trop intellectuel. Moi qui croyais niaisement qu’il y avait d’autant plus de mérite à se conduire comme un héros (oui, même petit) si l’on n’en avait pas la carrure ou l’étoffe.

En plus, ce n’est effectivement pas facile de remettre à sa place un type comme ça, qui assume pleinement le fait de faire perdre son temps à tout le monde et qui exploite le fait que face à tant de mauvaise foi et de désinvolture, on n’a qu’une alternative : la passivité ou les grands moyens (appeler la fourrière?). Pas facile de faire face, avec la seule force de ses arguments, à la loi du plus fort infligée par un minable !

Paradoxalement, c’est d’autant moins facile que l’enjeu est faible. Cela me rappelle les escrocs qui s’arrangent pour que leur victime ne perde que quelques euros dans une arnaque. Elles ont trop honte pour protester, ce qui laisse aux aigrefins le champ libre pour la suite.

Rester en retrait et observer d’un air ironique et supérieur ceux qui essaient d’agir pour sortir d’une situation injuste (bon, d’accord, c’est une petite injustice, une broutille, mais une injustice quand même), c’était l’attitude la plus zen, certes, mais aussi la plus facile, si l’on a du temps à perdre….

Bon, d’accord, ça avait sûrement un côté absurde qui méritait un sourire intérieur. Mais ce n’est pas une raison pour faire l’autruche.

Voleur d’images !

Il est assez laid. Petit, plus très jeune, bedonnant, le cheveu gras, ce pervers là avait vraiment l’air d’un pervers de caricature. Mais je ne l’avais pas vu approcher.

Je devais rencontrer Jean-Jean incessamment sous peu, et il était en retard, alors je l’avais appelé pour lui demander où il en était. J’étais suffisamment concentrée sur la conversation pour n’avoir aperçu qu’au dernier moment ce gros black qui s’était installé un peu en contrebas de moi (j’étais assise sur une volée de marches), du côté où je ne regardais pas, avec un appareil photo.

… Un appareil photo ???

Click.bandit

Oui, et c’était bien moi qu’il visait, pas le bâtiment qui se trouvait derrière. Plus exactement, il visait mes jambes. Et non, il ne pouvait pas voir sous ma jupe.

Quand il a vu que je l’avais repéré, il a reculé précipitamment avec une sorte de sourire complice : "Pour une fois que j’en photographie une grande!" (… ça veut dire qu’il photographie des enfants, d’habitude??) et il est parti sans demander son reste.

Je suis restée quelques instants sans oser y croire, puis je lui ai couru après pour en avoir le coeur net. Il a fait un énorme bond de surprise en me voyant.

Moi, incrédule et un peu remontée :"Mais, vous m’avez photographiée, là??"

Il s’est tout de suite énervé :"J’ai photographié vos chaussures !" (quoi, ces sandales exceptionnellement ordinaires méritaient une photo??) "... et puis, hein, si ça vous emm…, hein… regardez ce que je vais faire, vous ne le méritez même pas!"

Ah bon, il faut le "mériter" pour avoir l’honneur qu’on prenne une photo de vos jambes, Dieu sait pour en faire quoi ? Je n’allais pas me démonter pour si peu.

J’ai vu l’image qu’il a effacé (ou fait semblant d’effacer?) sous mes yeux. Il avait bel et bien photographié mes jambes, du moins jusqu’au genou. Je me demande toujours ce qu’il a bien pu y trouver de particulier pour vouloir prendre cette image à la sauvette, comme un voleur.

Il s’est éloigné en me lançant "A votre âge!" (hein ? Qu’est-ce que ça vient faire là ?) Je me suis fendue d’un "Espèce de gros pervers!!" aussi clair et sonore que j’ai pu. Bien fait.

Voleur d’images!…

Darwin en culotte courte

Comment imaginez-vous la kermesse annuelle d’une école maternelle ?

Un truc super mignon et dégoulinant de bons sentiments ? Que nenni.

Déjà, sa raison d’être, c’est d’apporter un coup de pouce au financement de l’école, en mettant au maximum les parents à contribution. Eux, ils sont motivés puisqu’il s’agit de la vie sociale de leur rejeton. Qui, il est vrai, passe un super moment et fait ses premiers pas en tant qu’artiste choriste. Qu’on se le dise haut et fort : commercialement, c’est une arnaque.

C’est donc en faisant la queue pour racheter une part de la même salade que j’avais apportée un peu plus tôt, que je me suis aperçue qu’une maman resquillait dans la queue (donc pour gagner du temps sur une attente de trois-quatre minutes à tout casser).

La technique méritait d’être saluée. Madame faisait gaiement un bout de conversation à la personne derrière moi, puis se déplaçait insensiblement se se retrouvait à faire tout aussi gaiement la conversation à la personne devant moi. Et ainsi de suite.

Les autres queues pour les autres jeux étaient plus un amas de personnes de grande ou petite taille qui jouaient des coudes/donnaient des coups de sac à main pour passer avant les autres.

Voilà où le bât blesse. J’aurais pensé que ce comportement (déjà pas bien folichon ailleurs à mon avis) est à la limite de l’indécence, vu le contexte. Mais non… les gens ne sont pas moins rats qu’ailleurs, et ici aussi ils marcheront sur les pieds de leur prochain pour leur disputer des queues de cerise. C’est juste qu’ici, on ne peut se permettre aucune remarque parce qu’on est là pour la bonne cause et que ça gâcherait l’ambiance.

Bon à savoir pour la prochaine fois ?…. Je suis perplexe.