Archive for mars, 2008

Cassée la voie

Il y a des jours où j’aime bien les problèmes de circulation de ma ligne de trains.

trainsourireDepuis presque deux ans, je prends très souvent le même train à la même heure. Et j’y trouve parfois les mêmes gens sur le quai. Oui, mais voilà, j’ai une incapacité sociale telle que depuis le temps, je n’avais adressé la parole à aucun. Des petits hochements de tête de reconnaissance ou des légers sourires, et puis basta. Oui, j’ai beau être pleine de bonne volonté pour établir un contact amical avec les terriens, je suis un peu autiste.

Et bien lorsque je suis arrivée ce matin sur le quai, et qu’il m’a paru plus chargé que d’habitude (in petto : "un train a dû être supprimé. Chouette, pour une fois que ce n’est pas le mien"), il a miraculeusement suffit d’un regard interrogateur, d’un rien, pour entamer la conversation avec deux de mes voisins habituels.

"Déraillement à la gare de [deux gares avant]. Le prochain train est dans quinze minutes. Ils ont annoncé ça il y a deux minutes". Et j’ai enchaîné sur la rareté du phénomène. Le reste est allé tout seul.

Nous avons épilogué sur notre mésaventure commune (que tous les cheminots me pardonnent les plaisanteries douteuses que j’ai pu émettre sur leur dynamisme et leur capacité de réactivité. Rien n’est plus facile que de nouer une conversation contre un ennemi commun, et vous avez fait l’affaire). Nous avons émis des hypothèses alarmantes sur la densité humaine du prochain train (allait-on pouvoir s’y glisser? Quid des gares suivantes?). Nous avons averti la dame qui courait le long de la gare, dehors, que ce n’était pas la peine de se presser : elle attraperait son train, même en marchant.

Et nous nous sommes réjouis de concert lorsqu’un train est arrivé beaucoup plus vite que prévu, avec en plus des places assises. Bref, tout bénef.

Soyons fous : si ça se trouve, à la prochaine catastrophe ferroviaire, je lui demanderai son nom, à la voisine de quai ?

L’herbe y pousse

poissonCette fois-ci, je me l’étais promis, je prendrais soin de lui. Je soignerais son cadre de vie pour qu’il reste avec nous le plus longtemps possible. Je le chouchouterais, le bichonnerais, le nourrirais, pour qu’il ne lui vienne ni idées d’évasion à risque, ni envies d’en finir avec la vie.

Bref, j’ai décidé de racheter des poissons rouges. Et une algue, pour la verdure, le décor et l’oxygénation de l’eau. Accessoirement, la présence d’une algue permet de pallier commodément à quelque oubli de donner de la nourriture aux bestioles : si on ne leur donne pas leurs paillettes, les poissons bouffent la plante, et survivent comme ça. J’appelle ça une précaution gagnant-gagnant. Amen.

Donc trois poissons rouges (pour qu’il n’y ait pas de jaloux, et puis des fois qu’il y en ait encore un qui meure, hein). Une algue touffue. Un joli rocher pour jouer à se glisser dedans. Et on passe à la caisse de l’animalerie, après avoir fait la queue pendant que les enfants s’émerveillaient en circulant entre hamsters, souris, perruches et lapins divers.

Au moment où j’allais partir avec tous mes sacs :

La vendeuse (écartant un doute) : "Au fait, vous savez, hein ? Il faut les acclimater".

Moi (ébranlée mais prête à m’instruire) : "Ah bon, comment ça? "(en fait, c’était peut-être plus proche du "Hein?")

La vendeuse  "Et bien, vous prenez le sac des poissons, vous le laissez une demi-heure sur l’eau de l’aquarium pour que les températures s’harmonisent, et ensuite vous percez le côté du sac pour leur permettre de passer du sac à l’aquarium… vous avez bien un aquarium?"

Moi (pas à l’aise et faisant comme si c’était un peu la même chose) : "Heu… un bocal, oui."

antibocalLa vendeuse (en plein diagnostic) : "Quelle taille?" Moi (me croyant sincère, mais en fait grossissant assez considérablement la réalité)  : "A peu près comme ça"

La vendeuse (péremptoire) : "Il faut à peu près deux litres d’eau pour 1 centimètre de poissons".

Moi (sans voix). "…"

La vendeuse (probablement entre le mépris et la pitié) : "Il va peut-être falloir revoir votre équipement… " En une minute environ, je suis donc passée de "femme qui tient au bien-être de ses compagnons à nageoires" à "folle inconsciente bourreau de poissons". Oui, même en ressortant un autre bocal (plus petit) pour mettre le plus petit poisson, ils manqueront cruellement d’espace.

Depuis, je suis allée voir et là. C’est encore pire : "prévoir un minimum de 60L pour un premier aquarium" (quand ce n’est pas 250L). "Si le poisson est dans un bocal, alors sa croissance s’arrêtera naturellement, mais ceci dans de grandes souffrances…". J’ai eu plusieurs fois des poissons rouges et croyais bien m’en occuper. Enfin, à peu près. Je lis seulement aujourd’hui qu’il faut faire reposer l’eau pendant trois semaines avant de la mettre dans un bocal de poissons. Rapé. Je pense que ma vendeuse a gagné une nouvelle visite de ma part dans les semaines qui viennent.

Le Mystère de la Salle de Bains Bleue

… ou l’énigme du Doudou Passe-Murailles, si vous préférRouletabilleez.

Oui, vous avez bien lu. Jai été le témoin d’une expérience quasi-surnaturelle : la téléportation d’un doudou.

Prenez un doudou (un bout de foulard en l’occurrence) de couleur vaguement bleue, humecté d’eau à la suite d’une bêtise conçue, mise en scène et produite par Laura. Hummph.

J’ai mis le doudou en question à sécher sur un petit séchoir métallique, d’environ 60 cm de hauteur, dans la salle de bains, nonobstant le désaccord manifeste de sa propriétaire, que j’ai laissée devant la porte (fermée) de la salle d’eau, se roulant par terre en signe de dépit et de mouvement social unipersonnel.

Entendons-nous. Jusqu’à nouvel ordre, Laura ne sait, ou ne savait pas, ouvrir la porte de la salle de bain. Elle ne pouvait donc  en principe pas récupérer le bout de serpillière le précieux foulard. Et pourtant, elle s’est présentée environ deux minutes plus tard pour un petit câlin dans mes bras, avec ledit doudou, que j’ai d’abord pris pour un autre bout du même foulard bleuté (les doudous-foulard ont tendance à se déchirer en plusieurs morceaux).

Puis, un témoin de la scène m’a mis la puce à l’oreille en venant retracer spontanément l’incident dans tous ses détails sur le lieu du crime (la salle de bains) :

"Regarde ce qu’elle a fait, Laura ! Elle a commencé par allumer la lumière, et puis elle a ouvert la porte, et regarde ! Le doudou n’est plus sur le séchoir. Et il n’est même pas par terre". Le témoin du crime était éloquent, très convaincant. Trop convaincant même.

holmesJ’ai replacé le doudou sur le séchoir, refermé la porte, et dit à Laura qu’elle pouvait aller récupérer son doudou. Elle m’a regardée, l’air impuissant, puis la poignée de la porte (toujours trop haute pour ses menottes). Puis moi. Puis la poignée de la porte. Toujours l’air de ne pas trop savoir quoi faire.

J’ai regardé Raphaël.

"Dis donc, Raphaël, ce ne serait pas toi qui as ouvert la porte à Laura?..."

Sourire en coin un peu gêné de l’intéressé.

"Mais je lui ai interdit de toucher au doudou ! Et elle m’a dit qu’elle n’allait pas y toucher, mais je crois qu’elle a menti!"

La loi universelle des enquêtes policière a encore frappé : c’est toujours la faute des autres.

Si Perrault m’était conté

Un gentil libraire m’a offert un petit recueil de contes de Charles Perrault à l’attention de mes demi-clones. En version originale sous-titrée (c’est-à-dire avec quelques remarques explicatives sur le vocabulaire et la grammaire utilisés). Evidemment, parce que le style de langage tranche un tantinet avec le style des contes pour enfants. On a des tournures comme "ils ne purent parler de cela si secrètement qu’ils ne fussent entendus par le Petit Poucet, qui fit son compte de sortir d’affaire comme il l’avait déjà fait ; mais quoi qu’il se fût levé de bon matin…" etc, etc. Intelligible quand on est allé au lycée, mais un peu moins quand on a 4 ans. Il y a aussi des mots qui ont changé de sens depuis, et qu’il faut expliquer. Quand la future fiancée de Barbe-Bleue commence à le trouver "honnête homme", c’est qu’elle est en train de craquer pour lui, pas qu’elle admire sa probité. Plus tard, "Il faut mourir, Madame, et tout à l’heure", ça ne veut pas dire un peu plus tard. Ca veut dire tout de suite. Barbebleue Ce qui est curieux, c’est que ça n’a pas dérangé mes demi-clones. Raphaël a écouté religieusement les histoires que je lui y ai lues, et malgré quelques questions, il suit visiblement la majeure partie de l’intrigue. Par exemple, dans "Barbe-Bleue", aussitôt la clé du fameux cabinet confiée à Madame Barbe-Bleue et le mari d’icelle parti en voyage d’affaires, a fusé la question "Et alors, est-ce qu’elle est allée voir dans le cabinet?". Il s’est aussi très vite identifié aux Cavaliers qui pourfendent Barbe-Bleue à la fin, et n’a posé aucune question à ce jour sur le fait que l’un d’eux est un "dragon". Le contenu des contes change aussi pas mal. Je sais bien que les "contes du temps passé" de Perrault ont connu plusieurs versions, avant et après lui, mais il y aurait beaucoup à dire sur les différences entre sa version des histoires, et celle qui est restée. On nous cache tout. J’ai redécouvert que quand la Belle au Bois Dormant se réveille après ses cent ans de sommeil, on est à peu près à la moitié de l’histoire. Elle n’a pas un début de vie maritale facile, la Belle au Bois Dormant. Il faut voir, après, ses démêlés avec sa belle-mère qui veut lui manger ses enfants (Jour et Aurore), accommodés à la Sauce-Robert. Un autre exemple. Là où ma version du "Petit Chaperon Rouge"  (illustrée et avec des mots simples, et qui n’explique même pas pourquoi le loup ne mange pas immédiatement la petite fille dès qu’il la rencontre dans les bois, ce qui serait quand même plus logique pour un loup qui n’a pas mangé depuis trois jours), le début de l’entrevue entre le PCR et le loup déguisé en mère-grand se passe ainsi, vous savez, juste avant "Oh, comme vous avez de longs bras": chaperonrouge2 Version édulcorée : "Comment allez-vous, Grand-Mère? interrogea t’elle. -Mon enfant, je suis bien faible, et j’ai très froid ! chuchota le loup. Approche-toi un peu de moi. Le Petit Chaperon Rouge obéit et avança." Dans la version de Perrault, c’est beaucoup plus…euh, comment dire? "Le Loup, la voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit sous la couverture : -Mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche, et viens te coucher avec moi". Le Petit Chaperon Rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa Mère Grand était faite en son déshabillé, et lui dit…" Disons qu’on voit transparaître beaucoup plus nettement la morale finale et l’avertissement aux jeunes filles sur les bad boys mielleux. Il y a aussi beaucoup d’humour. Le Prince qui réveille la Belle au Bois Dormant, par exemple, se garde bien de lui dire qu’elle est habillée comme sa grand-mère (on n’y pense pas assez, mais ils ont cent ans de différence d’âge, ces tourtereaux-là). Une fois la nuit de noces venues, il est précisé qu’ "ils ne dormirent pas beaucoup, la Princesse n’en avait pas besoin". Il y a aussi l’ogre du Petit Poucet qui fait des jeux de mots, en demandant à sa femme d’ "habiller" les petits garçons qu’il croit avoir tués, alors que sa femme croit qu’il veut qu’elle les vêtisse. Je crois que mon passage préféré reste celui où Riquet à la Houppe, qui est très laid, devient le plus beau prince du monde après que sa princesse a accepté de l’épouser. riquetPerrault émet tout de suite des doutes sur la version classique de l’histoire. Il suggère plutôt que c’est la princesse qui est tombée amoureuse de lui et qui le voit plus beau qu’avant : "… [qu’elle] ne vit plus la difformité de son corps ni la laideur de son visage, que sa bosse ne lui sembla plus que le bon air d’un homme qui fait le gros dos, et qu’au lieu que jusqu’alors elle l’avait vu boiter effroyablement, elle ne lui trouva plus qu’un certain air penché qui la charmait ; ils disent encore que ses yeux, qui étaient louches, ne lui en parurent que plus brillants, que leur dérèglement passa dans son esprit pour la marque d’un violent excès d’amour, et qu’enfin son gros nez rouge eut pour elle quelque chose de Martial et d’Héroïque". Mignon, non?

TC sans PC

Si on vous dit "service des urgences", vous pensez quoi ?emerg

1) des blouses blanches affairées et stressées qui courent dans tous les sens, prélèvent du sang pour des NFS et autres contrôles de routines, perfusent, diagnostiquent, sauvent des vies ; des couloirs encombrés de blessés ensanglantés ou de TS miraculées, attendant patiemment que les médecins aient le temps d’examiner leur cas. De préférence avec Georges Clooney dans les parages.

ou

2) un espace de jeu où un petit garçon en pleine forme fait du coloriage, avant d’aller faire du trampoline sur un brancard et de rigoler quand l’interne l’examine parce que ça le chatouille ?

C’est pourtant la seconde version à laquelle j’ai eu droit ce week-end.

Quoi de plus absurde que d’aller aux urgences alors qu’on est en pleine forme ?

Je vous raconte.

fontaine_zen_decoTout est parti de la visite chez Tata (oui, la même qu’hier). Tata vit en célibataire, mais est néanmoins extrêmement bien équipée pour une visite de neveux/nièces en bas âge. Mention spéciale pour sa batterie de jeux éducatifs (ordinateur portable, fontaine japonaise zen conçue sans aucun doute pour que les enfants s’exercent à empiler les petits galets dans les tubes en bambou, lampe ronde fascinante qui change de couleur dans le noir) et pour son canapé aux nombreux coussins assortis.

Ledit canapé et lesdits coussins servent à construire divers jeux éducatifs. Château avec remparts. Caverne où on se cache. Voiture. Et surtout, surtout, une invention de Raphaël appelée, je vous le donne en mille : "la Machine à Pas Beaucoup d’Equilibre".

Je suis sûre que vous commencez à entrevoir où je veux en venir.

La machine en question consiste en un empilement de plusieurs gros coussins. Et on en tombe finalement assez facilement.

Techniquement, il s’est agi d’un Traumatisme Crânien sans Perte de Connaissance. Mais comme Raphaël se plaignait d’avoir mal "sur toute la Terre entière" (à dire en gémissant pitoyablement et en se frottant toute la tête) et surtout parce qu’il a vomi juste après l’incident, il était nécessaire de vérifier que rien de grave ne se passait sous cette tête blonde, pardon, ce crâne blond.

A part ça, il était en pleine forme. Nous avons au total passé deux heures et demie au service des urgences (il ne faut pas être pressé dans ce genre d’endroit), pour un temps total d’examen de 10 minutes environ (5 par l’infirmière et 5 par l’interne) et Raphaël ne s’est pas ennuyé un instant.

D’abord, il y avait plein de jeux pour les enfants dans la salle d’attente : miroir déformant, machine à faire des coloriages électroniques, labyrinthe, table à dessins, et j’en passe.

Ensuite, la salle où l’on a attendu l’interne était vraiment marrante. Un lit qui monte et qui descend, des appareillages et des tuyaux partout, un lavabo magique qui verse de l’eau quand on met la main dessous, bref, plein de trucs intéressants à voir et à se faire expliquer.

droopyEt puis est enfin arrivé l’interne, un jeune homme qui, pour une fois, ressemblait à un médecin urgentiste. A savoir qu’il avait l’air totalement, complètement endormi. L’air de quelqu’un qu’on a tiré du lit de force à trois heures du matin et qui n’a pas encore eu son café. L’air de quelqu’un qui termine une garde de week-end et qui n’a pas dormi depuis 50 heures. L’air de Droopy qui aurait pris un sédatif.

Une ou deux vérifications de routine ("Marche un peu…? Bien. Tu as mal? Pas très beaucoup? Ah, tu es très intelligent, toi."), des instructions marmonnées pour la suite des choses ("Bon, faut le surveiller, qu’il vomisse pas, tout ça."), et c’était fini.

Cet hôpital là, ça vaut bien un square, pour les jours de pluie.

Pathos pour une tata

Ca, c’est sûr, Tata, elle t’aime, ma demi-clone. Il suffit de voir quel air inquiet a pris Laura quand elle a vu que je te déposais en voiture, que tu partais. Il suffit d’entendre ses petits sons inquiets quand on a redémarré. Il suffit de savoir que pendant tout notre trajet de retour, elle a hurlé en quasi-continu "Veux pas paaaaatiiiiiiii!". ("Tu voulais rester avec Tata ? -Ouiiiiiiiiiiiiii!!!!!!!". Mais mes tentatives pour lui expliquer que c’était impossible n’ont pas porté leurs fruits).houdini Il fallait sentir mes sueurs froides quand j’ai compris qu’elle s’était au moins en partie dégagée des sangles de son siège auto (ma fille, c’est Houdini en fille et en plus petit. Nulle sangle, nulle chaise haute, nulle poussette, ne peut la retenir prisonnière bien longtemps) pour essayer d’approcher la portière de devant. Si j’ai bien compris, le plan d’action de Laura consistait à ouvrir la portière de la voiture pour sortir en marche (on était sur l’autoroute) et refaire le chemin inverse à pied pour retrouver Tata. Ou alors, c’était du bluff et elle voulait juste que moi, je fasse le nécessaire pour qu’elle la retrouve très rapidement.

Et j’ai senti -sans pouvoir savoir exactement où elle en était- qu’elle était en train de tirer sur ma ceinture de sécurité par derrière. Je savais bien qu’il lui était impossible d’ouvrir la porte, mais j’ai quand même imaginé un certain nombre de fois ce qui risquait de se passer en cas d’impact. Au premier feu rouge disponible, j’ai vérifié qu’elle ne s’était pas vraiment détachée, mais elle s’était tout de même donné beaucoup, euh, disons, d’amplitude, par rapport à un bébé normal qui ne fait pas dans le mélo quand on la sépare de sa Tata. Ensuite, j’ai voulu aller voter. Elle a réclamé son doudou, sa poupée. J’ai obtempéré, imaginant qu’elle serait du coup relativement calme pendant ce moment sacré d’accomplissement du devoir civique. Et bien ncrybabyon.

Je me suis présentée, vaille que vaille, au bureau de vote, tirant par la main une sirène d’incendie une petite fille qui continuait à pleurnicher (un peu moins fort maintenant) "Veux pas patiiii!". Au vu des regards mi-apitoyés, mis surpris, des membres du bureau de vote, nous ne sommes pas passées totalement inaperçues. Je pense que j’ai encore une fois mes chances au concours de la mère indigne de l’année. L’une d’elle a même essayé de l’attendrir par la flatterie ("Tu dois être tellement plus mignonne avec un sourire!") mais sans le moindre résultat du côté du début d’une trace d’indice que Laura aurait reçu le message. J’ai voté très précipitamment (ce qui pour moi, signifie que je ne vérifie qu’une seule fois que j’ai bien mis le bon bulletin dans l’enveloppe, et que j’ai manqué de leur laisser mes papiers d’identité). Ce n’est que sur le chemin du retour du bureau de vote que j’ai enfin eu l’idée de proposer à Laura que Tata vienne la garder un de ces soirs. "D’acco" a t’elle dit (snif, snif). Et immédiatement, les choses se sont considérablement apaisées… Pourquoi, mais pourquoi je n’ai pas pensé à dire ça il y a une demi-heure ? Bon, Tata, tu peux le faire quand, ce baby-sitting ? Une surdité accidentelle est si vite arrivée….

Jour avec et jour sang

FoghornSavez-vous comment casser, d’un coup d’un seul, le moral à quelqu’un ?

Imaginez. Vous vous êtes réveillée en pleine forme, une minute avant votre réveil. Vous avez peut-être pris des bonnes résolutions ce matin, en tout cas vous êtes de très bonne humeur et abordez votre journée (pourtant de pure routine) tout guillerettazzte.

C’est ce jour là, à tous les coups, qu’un collègue (même pas forcément intime, hein) va s’arrêter à votre niveau, vous dévisager l’air un peu inquiet, et vous dire : "Oh, t’as l’air fatiguée, toi…."

(en option : "Faut dormir la nuit!" ou "c‘est quand, tes vacances?". En tout cas, rester plein de bonnes intentions)

Et voilà, ça tue…

Malins & Madrés

Vous avez déjà remarqué comme ça peut être roublard, une mère? 

On est prêtes aux pires bluffs ("Ah, tu ne veux pas mettre tes chaussures ? Quel dommage, je ne vais pas pouvoir t’emmener en promenade"), aux manoeuvres les plus tordues (Au téléphone avec son père, proférer des énormités sur votre fils pour que, n’y tenant plus, il vienne rétablir la vérité alors qu’au départ, il ne voulait pas prendre l’appareil). Bien sûr, il y a même les mensonges éhontés qu’on raconte (la petite souris, le Père Noël, les cloches de Pâques…). Bref, tout est bon pour ne pas devoir tout le temps faire la police.

Pour notre défense, ça vient bien de quelque part, ces comportements. On en a nous aussi été victimes étant enfant.

smartiesTout cela pour vous dire que ma propre mère, au bout de trente ans de silence, m’a avoué la vérité. Les médicaments de couleur qui guérissaient quasiment tous les maux, du bobo au genou au mal au ventre en passant par l’insomnie, ce n’étaient pas des médicaments, mais des Smarties.

J’aurais pu éprouver une profonde déception d’avoir été ainsi abusée, mais non.

Trouvant l’idée excellente, j’ai concocté mon propre placebo (des Emenèmsse, pour rester dans la tradition), et les ai transvasés dans un ancien flacon de médicaments qui m’a paru susceptible de faire l’affaire. Enfin, j’avais moi aussi ma panacée pour les vrais-faux petits maux. Enfin, j’allais pouvoir éviter de les faire s’empiffrer de paracétamol goût caramel (les parents comprendront la référence) en cas de doute.

Sauf que les enfants de maintenant sont perspicaces.

Ma première tentative d’expérimentation du flacon magique a eu lieu à l’occasion d’un mal au ventre de Laura.  J’ai pris la mine compassée qui s’imposait et proposé un médicament pour qu’elle aille mieux. Et hop, un petit cachet coloré.medocouleur

Résultat : 1) Elle a effectivement oublié son mal de ventre instantanément, mais

2) Une étincelle nouvelle dans le regard, elle a aussitôt dit  "Moi veux un aut" bobon !"

Evidemment, je me suis entêtée dans mon mensonge. Ah ah ah, mais non, voyons, ce n’était pas un bonbon, mais un médicament.

Elle a aussitôt fait valoir qu’elle éprouvait de vives douleurs au niveau du ventre et qu’il lui fallait un autre médicament.

J’ai de mon côté soutenu mordicus qu’il ne fallait pas prendre de seconde dose de médicament avant de savoir si cela faisait effet.

Quelque chose me dit qu’il va y avoir des effets pervers de ce truc. Et, rétrospectivement, que j’ai dû m’inventer quelques maux de ventre étant petite. A madrée, madrée et demi.

Barbling-bling

Elles sont maintenant trois. Blondes, des corps de rêve, la peau lisse, des jambes interminableBallerinas complétées par des talons aiguille ou compensés. Depuis hier, Raphaël prenait plaisir à déshabiller celle qui était arrivée il y a un peu plus d’un an (un cadeau de mon chef), et à la rhabiller aussi. Il manquait juste un peu de variété.

Depuis ce matin, j’ai acheté deux poupées B**bie supplémentaires. Plus quelques accessoires et un ensemble de rechange (*).

La première arrivée portait un simple ensemble jean-top, plus un sac qui intrigue beaucoup mon fils ("pourquoi il ne s’ouvre pas?"), et les inévitables escarpins à talon haut. Quant aux deux nouvelles, l’une a des ailes de papillon et un petit papillon tout mignon qui lui court sur le bras quand on actionne une clé dans son dos ; l’autre possède un attirail de princesse glamourissime : diadème, robe de soirée, robe de ballerine, chaussures. Le plus fort, c’est que même son corps brille de plein de petites paillettes.

Visiblement, elles plaisent beaucoup à mes demi-clones. Les deux. Même si la technique d’habillage/déshabillage n’est pas au point à 2 ans. J’ai donc été mise à contribution. Encore des heures de partage de moments palpitants en perpspective.

Et moi, je me surprends, mi-fascinée, mi-écœurée, par cette image de fille idéale, à la fois kitsch, ultrasexuée et gamine, cet univebarbieprincessers glamour, sucré et trop lisse, cette impression d’avoir en face de moi un jouet qui me semble voué à contribuer à l’apprentissage de la féminité et aussi de tous ses excès (la silhouette idéale et le shopping à outrance).

Pour l’instant, ma fille ne semble pas trop menacée par la barbypouffiassitude et les excès de paillettes. La preuve ?

Deux heures après l’arrivée des poupées, elle m’en a tendu une, hilare, avec cette parole immortelle :

"Ba’bie a pété!"

B**bie pétomane, en voilà un joli créneau à prendre pour les 2-3 ans…

((*)Non, je n’aurais pas pu en acheter qu’une. La justice aurait été de l’offrir à Laura, qui n’en avait pas encore. Oui, mais voilà: dès la perspective d’un achat, Raphaël était déjà prêt à "ne plus vouloir" de la première pour être disponible pour posséder la nouvelle. Quoi, c’est ma faute si mon fils a un comportement de mec?)