Archive for août 3rd, 2007

Relique rouge

Que faites-vous de la petite bande rouge qui entoure certains livres neufs ?

Vous savez, cette petite bandelette lâchement calée autour de la couverture, prête à tomber à tout moment si vous ouvrez le bouquin, et qui vous informe au choix :

  • que l’ouvrage s’est vu décerner le prix Goncourt, Fémina, ou le Grand Prix de la presse charcutière 1997,
  • qu’il y a déjà tout plein d’exemplaires vendus,
  • que des gens très bien se sont exprimés en termes élogieux sur l’ouvrage,
  • parfois pour vous indiquer en plus grosses lettres le nom de l’auteur, des fois que vous ne seriez pas arrivé à le lire sur la couverture,
  • pour vous spoiler quelques mot de l’intrigue pour vous donner l’eau à la bouche,
  • ou pour vous signaler que l’auteur est déjà celui qui a commis un autre livre très très connu : comme ça, ça vous donne envie de lire celui-ci si vous connaissez le premier ;
  • plus subtil : sur un livre à succès qui va marcher de toute façon, on vous indique que l’auteur est le même que celui d’un autre premier bouquin, paru avant mais qui n’a pas eu le même succès (exemple : "Le Seigneur des Anneaux ! Par l’auteur de Songs for the Philologists"! ou "Jane Eyre!, par l’auteur de The Professor"!)

On est bien d’accord. La petite bandelette de papier rouge sert à vendre le livre. Ou d’autres.

Qu’en faire une fois cette fonction remplie?

La jeter ? Malheureux !!!! Dans la famille où a été élevée Cinn, les livres, tous les livres, et rien que les livres, font l’objet d’une protection quasi-mystique contre le jetage à la benne On peut jeter des magazines ou des journaux à la pelle, mais le plus modeste roman de gare, le plus humble polar, le plus obsolète des livres de collège, doivent être conservés ad vitam eternam, même dans une caisse au fond d’un grenier. Même si on ne les relit jamais. On peut, à l’extrême rigueur, en faire don aux oeuvres, mais on ne le jette jamais. Les oubliettes, oui, la boîte à ordure, onques. Et si j’approche une bandelette rouge d’une poubelle, j’ai l’impression de commettre un sacrilège. Car elle fait partie du livre. C’est un "livre par destination".

La garder pieusement autour du livre pendant la lecture ? Certes, vous maintenez l’intégrité de la présentation de l’ouvrage, mais vous passez votre temps à rattraper les languettes qui tombent. C’est très agaçant.

La plier en deux et s’en servir comme marque-page ? J’ai cru que c’était une bonne idée mais en fait ce n’est pas pratique non plus. Un marque-page de qualité, c’est rigide et pratique à déplacer. La bandelette rouge, elle fout le camp et se déplie en permanence.

La laisser à la maison, sur une étagère, pour qu’elle puisse chauffer la place pour le livre lorsqu’il sera terminé et rejoindre celui qu’elle n’aurait jamais dû quitter?… Mais cela nécessite toute une organisation, est-ce bien pour moi ?…

Voilà pourquoi la plupart des livres de ma bibliothèque qui arboraient une bande rouge à l’achat, la portent encore aujourd’hui.

Hier, j’ai réussi à en jeter une. C’est un progrès, je pense.