Du soleil au coeur

Vous êtes un garçon. Vous êtes entouré d’une bonne vingtaine de petites nanas en jupette rose. L’enseignante, elle aussi, est une jolie fille.

Est-ce un rêve ? Est-ce la réalité ?

C’est le premier cours de danse de Raphaël.

En fait, j’avais d’abord pensé à Laura pour un cours d’éveil à la danse. C’est elle qui se met à se dandiner dès qu’une musique lui plaît. C’est elle qui essaye d’imiter mes pas quand je danse toute seule dans mon salon. Qui ne déscotche pas de son « DVD de danse », a.k.a. « Mes premiers pas de danseuse étoile », où l’on voit une bande de pisseuses nymphettes en tutu apprendre à pointer l’orteil (Laura suivait consciencieusement toutes les instructions), non sans avoir réclamé ses chaussons de danse (initialement prévus pour servir de chaussons pour la maison).

Mais, renseignements pris, la seule école du coin qui donnait des cours le samedi (je pense que les mamans de la région doivent avoir les moyens, soit de ne pas travailler, soit de se payer une nounou/employée de maison, car tous les autres cours étaient le mercredi. Sales nanties.) n’acceptait des élèves qu’à partir de 4 ans. Ou, à la rigueur, trois ans trois quarts.
Pas trois ans et deux jours comme Laura.

Toujours est-il qu’entretemps, Raphaël s’était montré tenté, et a demandé à s’inscrire.

L’accueil a été très chaleureux au moment de l’inscription. La prof a fait faire le tour de l’école à Raphaël pour lui montrer toutes les photos où l’on voyait des élèves danseurs : « Ca, c’est Kevin, il est prof de hip-hop. Il danse très très bien le hip hop. Et ça, c’est Victor, il a commencé en même temps que toi. Et ça, c’est un danseur du Ballet de Paris ». Raphaël écoutait religieusement

Il y eut donc un cours d’essai, au terme duquel devait être décidé 1) si les élèves potentiels avaient envie de rester, 2) si la prof était d’accord pour garder ceux qui voulaient rester.

Raphaël a compté les jours. Il y en avait sept. Un compte à rebours, avec soustraction de un jour à chaque fois (« Oh! Quand on sera demain, ce sera demain le cours de danse! » -traduisez : nous sommes à J-2).

Imaginez le tableau. Une vingtaine de petits individus, dont l’immense majorité est en tutu rose (ou à la limite T shirt et collant blanc), avec un seul vêtu d’un ensemble short et T shirt Spiderman (il n’y avait pas de couleurs imposées pour le cours d’essai).

Du coup, il était en orange et vert. C’est sûr, on ne pouvait pas le rater.

Les parents avaient le droit d’assister au cours d’essai, répartis autour de la salle. Et la prof nous organisa une entrée en scène de nos enfants, deux par deux, pour venir s’aligner en deux rangs. Bref, c’était déjà le spectacle.

J’ai rarement vu Raphaël aussi rayonnant que pendant ce cours. Etait-ce les exercices eux-mêmes (« le canard », « l’éléphant », « l’oiseau » et autres termes techniques) ou le fait d’être sur scène (ou presque, bon, on ne va pas chipoter) ?

En tout cas je n’espère qu’une chose : que sa passion ne retombe pas comme un soufflé au bout d’une semaine.

Ce n’est pas que je tienne à faire de lui un danseur étoile, mais j’ai payé d’avance pour l’année, moi.