Donne-moi ton coeur

Il lui faut toujours la part du lion. L’accessoire le plus récent, le plus volumineux, le plus prestigieux, celui qui a le plus de fonctions. La plus grosse part du gâteau. Et il n’aime pas partager, sauf ce dont il est déjà lassé.

Entre les enfants, les modes durent un jour ou deux. Parfois, il s’agit de quelque chose dont il existe deux exemplaires presque identiques. Sinon, c’est la guerre rangée pour garder l’objet des convoitises du jour, en général à l’avantage de Raphaël, qui est souvent à l’origine des « modes ». Peu importe s’il s’agit d’une mode récente (une cochonnerie babiole glanée ici ou là) d’un jouet oublié depuis des mois dans un coffre à jouet et subitement redevecoeurnu tendance (il y a donc des tendances vintage dans la mode à cet âge?).

Plus récemment, il s’agissait d’un genre de coeur en polystyrène, agrémenté de paillettes rouges, trônant au milieu d’un bouquet (ça m’apprendra à m’acheter des fleurs un 13 février. Mais en même temps, on n’est jamais mieux servie que par soi-même, na!) au bout d’un bâtonnet en bois.  Après tout un après-midi où Raphaël jubilait de posséder deux paires de lunettes de soleil à lui (… des cadeaux de Lex), que sa soeur n’était pas en droit d’emprunter, j’ai fait cadeau du coeur rouge à Laura.

C’était à prévoir : l’intérêt de Raphaël s’est immédiatement éveillé, et ce pour le reste de la soirée, sur tous les tons.  La petite, le voyant venir à des kilomètres, se cramponnait d’autant plus à son trésor pendant cette « tirade du coeur ».

Ce fut d’abord la vertueuse indignation : «  »Mais elle a déjà une baguette magique ! »

Puis la tentative de transaction à titre gratuit : »Tu veux bien me donner le coeur, Laura? » « Non! »

Puis la tentative de troc : « Tiens, je te donne les lunettes, tu me donnes le coeur? » « Non! » « MaCyranodebergeracis tu n’en as pas, des lunettes! »

Puis la tentative d’amadouer, avec une soudaine et sublime générosité : « Tiens, je te donne ça… et ça… » « Non! » La peine essuyée devant le refus de la nantie « … Mais je suis en train de te donner ces livres pour toute la vie!… D’ailleurs, je les aime plus »

Enfin, ce furent les leçons de vie : « Tu ne peux pas jouer/écouter l’histoire/ mettre ton pyjama si tu gardes ce coeur. »

Le chantage : « Tu veux boire ? Pose d’abord le coeur, après, tu boiras« .

Puis, il fallut se séparer du jouet pour la nuit. Je l’ai rangé sur une étagère -trop haute pour lui-. : « Je préfèrerais que tu poses le coeur là » (sous entendu : à côté de mon lit)

Le soir venu, ce fut un aveu : « Moi je voudrais avoir le coeur !« . Scoop.

Mais il n’a pas tenté de le lui arracher. Je suis fière.

Le lendemain matin, Laura a enfin prêté le coeur à son frère. Je suis fière aussi.

3 Comments

  1. wysiwyg Says:

    bravo !

    Le conseil supérieur de déontologie d’une éducation rigoureuse, morale, claire et structurante vous décerne la médaille de la super mummy. Félicitations. Le président de l’association Médaille d’or 2002 finaliste en 1999

  2. letesle Says:

    c mimi :o)

    drôle, mignon… Et effectivement, tu as de quoi être fière !

  3. Cinn Says:

    > Letesle, Wysiwyg : Merci, merci ! Je n’ai aucun mérite…

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