Archive for avril, 2008

Les sauveurs

indestructibleDans une situation de détresse, le premier réflexe de Laura est de rechercher un sauveur ou une sauveuse.

Exemple de situation de détresse : on essaye de la contraindre à mettre des baskets alors qu’elle préfèrerait des bottes, à mettre des après-ski alors qu’elle voulait les sandales, à aller à la crèche alors qu’elle serait volontiers restée à la maison, à mettre un pantalon alors qu’elle voulait une robe, ou bien les chaussures marron à la place des chaussures roses (trop petites, certes, mais très jolies), etc. On ne compte plus les ordalies pour une petite fille, surtout si elle a du goût en chaussures.

A qui faire appel, alors, dans une situation aussi abominable ?

Deux conditions : il faut que la personne soit 1) une personne de confiance, et 2) différente du bourreau auquel elle a présentement affaire. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit présente (après tout, on ne sait jamais, la personne pourrait arriver puisqu’on l’appelle).

Ensuite, tout dépend des circonstances.

On peut appeler à la rescousse Papi ou Maman si Mamie vous fait des misères alors qu’on passe des vacances chez elle. Ou Mamie, si c’est Papi qui vous tourmente.

De retour de vacances, on peut pleurer après Mamie quand Maman vous emmène de force à la crèche.

superherosChez Papa, on peut appeler Maman, et vice versa.

Le postulat est limpide : si l’on fait appel au bon coeur d’une personne extérieure, il y a une petite chance qu’elle ne partage pas l’opinion de l’autre sur le calvaire qu’on vous fait endurer et qu’elle vole à votre secours. En gros, elle mise sur les divergences éducatives entre les uns et les autres.

Hier, pour la première fois, elle a eu l’idée d’appeler au secours son grand frère.

C’est vrai, c’est connu, les grands frères, c’est fait pour protéger les petites soeurs. Pour intervenir si un importun vous fait des misères dans la cour de récré. Pour régler son compte au malotru qui vous ferait "prrrrrt" en vous tirant la langue alors que tout ce que vous avez fait, pauvre innocente, c’était lui faire "flebllelblrrrt" en tirant la langue et essayé de le taper (c’est comme ça qu’on drague les grands de 3 ans, quand on a 2 ans). Ah, que de souvenirs de bravoure. Ce jour là, "Af’ël" s’est physiquement interposé entre sa petite soeur et le fâcheux, lequel n’a pas tardé à se carapater.

Revenons à nos moutons. Maman, donc, entraînait Laura vers sa chambre pour l’obliger (c’est atroce!) à se mettre en  pyjama. Alors a jailli l’appel de détresse : la main tendue d’espoir vers le sauveur potentiel, Laura s’est écriée :

"Af’ eeel! Af’eeel!".

Raphaël, en apparence stoïque (mais qui était certainement la proie d’un déchirant conflit de loyauté interne) a répondu :

"J’te sauve même pas, moi". N’est pas superhéros qui veut.

Du sang et des carpes

Attention, la lecture de ce billet est déconseillée aux enfants et aux personnes sensibles. Y va y avoir du gore, d’autant que l’auteur aime bien exagérer un peu dans l’espoir de se faire plaindre.

La malédiction qui touche mes poissons rouges se confirme. Sauf que cette fois, c’est moi qu’elle a atteinte.

Souvenez-vous. Un de mes poissons rouges était mort coincé dans mon lavabo (oh pardon les enfants, je veux dire : s’est sauvé et vit maintenant en liberté dans une jolie rivière avec plein de nouveaux copains). Le  deuxième est ne lui a pas survécu longtemps, mais a connu une mort plus classique pour un poisson rouge : le flottage inerte entre deux eaux.

Et voilà qu’en voulant changer l’eau du bocal, l’objet m’a échappé des mains et est shattervenu exploser par terre.

Coup de chance : j’ai été la seule victime de l’accident. Les enfants finissaient de dîner dans une pièce voisine (ce qui fait que tout en essayant de stopper mon hémorragie, lutter contre la perte de conscience et de ramasser les premiers bouts de verre, je devais répondre par des messages d’attente, comme on dit commercialement, à des réclamations de dessert). Le poisson, quant à lui, était déjà en sécurité dans le lavabo.

Moi, je ne sais pas comment j’ai fait mon compte, mais je me suis retrouvée avec un bout de peau de doigt à demi arraché. Au vu de la couleur de la plaie, j’ai d’abord cru qu’un morceau de verre était resté coincé sous la peau, mais ce n’était pas le cas. Par chance, j’avais  à portée de main force comfingerpresses et de quoi faire un pansement rudimentaire. Non sans l’impression fugitive, au choix, d’être en train de faire disparaître les preuves d’un crime atroce. Ou d’être en train d’opérer un truc à moitié mort.

Premier constat: j’ai une chance folle de supporter la vue du sang. Ce n’était vraiment pas le moment de tourner de l’œil, toute seule avec deux enfants de 2 et 4 ans, des morceaux de verre pointus partout, sans compter un poisson en attente dans un lavabo dont la bonde n’est pas complètement étanche.

Deuxième constat : la seule réaction de Raphaël devant la catastrophe a été "Berk, du sang. Attentionnnn Maman, tu en as mis par terre!". Mes enfants n’ont aucune compassion. Maniaque, va ! Commence par aller ranger ta chambre, tu veux ?!

Troisième constat : avoir un doigt invalide, c’est embêtant. Mon addiction à l’ordi (sans parler de ma vie professionnelle) en prennent un coup. Imaginez. A chaque fois que je tente de taper un Z, un S ou un X, ou même un é, je tape une ou deux lettres en plus. J’ai rarement autant utilisé la touche "effacer" de mon clavier.

Quatrième constat : J’ai maintenant trois poissons rouges dans un bocal prévu pour un seul. On va dire que c’est plus convivial ?…

« Barbotez-les tous »

grainedeviolenceC’est une zone de non-droit. Une jungle. Vous pouvez bousculer, malmener, arnaquer, et il y a de fortes chances que le crime reste impuni: les autorités ont depuis longtemps renoncé à démêler la plupart des affaires un peu louches. En cas de doute, elles se servent au passage et l’objet d’un litige est confisqué sans autre forme de procès.

Ça s’appelle une cour de récréation de maternelle.

Ne me demandez pas le détail, mais je pense que c’est à l’époque où j’en fréquentais une moi-même que j’ai dû décider qu’il était beaucoup plus intéressant et surtout moins dangereux de passer les récréations à jouer toute seule et à s’inventer des histoires que d’essayer de se faire des amis parmi cette bande de psychopathes. Choix discutable s’il en est.

Je viens de (re?) découvrir, à travers une mésaventure de Raphaël, qu’y règne aussi (déjà!!) une forme de snobisme, d’effets de mode :on y convoite des objets parfaitement inutiles (du moins à leur âge), uniquement pour le plaisir de posséder.

J’ai nommé les cartes Pokémon. trainerVous  connaissez un seul enfant de maternelle capable de jouer aux Pokémon, vous ? Le jeu est très complexe : il y a autant de règles que de cartes différentes. Plus de 150 cartes dans la série initiale, sans compter les nombreuses séries supplémentaires : "Forces Cachées", "Légendes Oubliées", "Gardiens de Cristal" "Fantômes Holon", et j’en passe. et la pochette annonce qu’il convient aux enfants "à partir de 10 ans".

Néanmoins, Raphaël en a réclamé, et s’en est fait offrir. Par son papa, ce qui fait que je ne connais toujours pas le prix exact de ces petites cartes colorées. Selon la rumeur, il serait particulièrement démesuré par rapport à la  nature et à la surface desdits bouts de carton.

Bref, Raphaël est parti à l’école avec quatre (ou six? Je n’étais pas présente au moment des faits) monstres de poche. Et en est revenu avec zéro.

"Il y a plein d’enfants qui m’en ont demandé, et maintenant, je n’en ai plus."

Et même :

"Il y avait des enfants qui m’ont dit qu’ils me donneraient d’autres cartes en échange, mais après, je me suis aperçu qu’ils ont menti".

DragoniteJ’ai interrogé l’animatrice du centre de loisirs, en fait parce qu’il m’était venu un doute : les cartes étaient peut-être interdites à l’école ?

"A l’école je ne sais pas. Ici, en tout cas, oui. Si je vois des enfants qui en ont, je les confisque pour les ajouter à ma propre collection, hi hi hi".

D’après elle, lorsqu’il y a des Pokémon dans les poches des enfants, c’est l’anarchie. Certains enfants ont zéro carte le matin et un joli petit tas le soir. Il y a des "donations" plus ou moins volontaires, des "prêts" qui deviennent des dons forcés. Au final, personne ne sait discerner ce qui était à qui au départ.

Je sais bien que c’est en se faisant arnaquer à 4 ans, ou en croyant se faire des amis en offrant des jouets, ou en faisant des marchés plus ou moins avantageux alors qu’on fréquente les petites écoles, qu’on prend aussi quelques leçons qui ne font pas forcément partie du programme officiel...