Elephantes roses (3)

Comme je vous l’annonçais ici, les choses ont un peu changé depuis l’écriture de "Rose Bonbonne" (rebaptisée "Rose Bonbon" dans la nouvelle édition).

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Déjà, les éléphantes se sont rendues compte qu’au fond elles aimaient bien continuer à manger des anémones et des pivoines. Et aussi, accessoirement, que si elles n’avaient pas au moins une vague couleur rosée et si elles étaient aussi couvertes de boue que les autres, les éléphanteaux les plus obtus les prenaient pour des garçons. Certes, elles ont le droit de jouer dans la savanes avec les éléphanteaux, mais elles continuent donc, pour le plus grand bonheur de l’industrie florale et textile, à acheter à prix d’or les dernières espèces d’anémones et de pivoines au liposomes  et à faire les soldes pour faire collection de collerettes et de chaussons de toutes couleurs et de toutes formes.

Elles se sont rendues compte qu’elles s’étaient aussi un peu fait piéger. Que ce n’était pas en brûlant leur collerette qu’elles auraient les mêmes droits que les éléphanteaux. Elles ont gagné le droit d’avoir un poste-clé dans la tribu, sauf qu’elles recevront toujours en contrepartie moins de bananes et d’ananas qu’un éléphant et qu’elles devront  être plus compétentes qu’eux pour y arriver.  Elles ont le droit d’aller patauger dans la même mare de boue que les éléphants, sauf qu’elles doivent garder leur collerette et leurs chaussons à talons, et surtout garder tout cet attirail sans se salir si elles veulent se faire respecter.

Bref, elles ont plus de liberté qu’avant, mais ça n’a plus grand chose à voir avec le fait de porter ou non des atours roses (ou bleus, ou verts, selon la mode) et de manger des pivoines et des anémones (ou des coquelicots lissant performance thermo-contrôle aux extraits d’ADN). Les stéréotypes ont la vie dure, et si une éléphante, de nos jours, ne mange pas une seule fleur et ose peser un peu plus qu’une gazelle, elle prend des risques. Les éléphantes, elles aussi, sont des hyènes, parfois (Letesle, oserais-tu aller au boulot avec zéro maquillage et sapée comme un clochard ?).

Mieux encore : il existe maintenant des enclos pour éléphants, avec leurs fleurs spécifiques mais qui ressemblent un peu aux anémones et aux pivoines. Il y a même des appareils de muscu et des lampes à UV. On encourage donc les éléphants à se faire beaux, eux aussi, et certains y prennent plaisir, eux aussi.

On a aussi découvert un deuxième enclos, où une autre tribu élève ses petites éléphantes selon un système un peu similaire à l’ancien. Là, les éléphantes doivent continuer à manger des fleurs infectes pour avoir une peau rose et les yeux grands et brillants, mais en plus elles doivent porter en permanence une espèce de toile de tente qui les recouvre entièrement. Sans ça, d’autres éléphants que leur mari pourraient les voir. Celles là, il faudrait leur envoyer quelques caisses du bouquin…

1 Comment

  1. Letesle Says:

    Chère Cinn, Tout d’abord, merci de m’intégrer dans ce texte, je suis flattée ! 🙂 C’est une très bonne question : pourrais-je aller au boulot sans maquillage ? habillée en jean informe ? pas coiffée ? et pour aller plus loin : james et aisselles pas épilées ?… Non, bien sur. Mais ce n’est pas parce que je veux être reconnue comme une « Femme ». C’est plus une question de code social. De même que si un mec ne met pas de cravate, on ne se dit pas que ce n’est pas un homme. On se dit en revanche peut-être qu’il n’a pas de respect pour ses interlocuteurs. Pour moi, me maquiller au boulot est l’équivalent de la cravate et du costard pour un homme. Je reconnais que pour l’épilation, la question est plus délicate. Autant je peux assumer de ne pas me maquiller voire de m’habiller comme une clocharde (j’avoue, ça m’arrive) quand je vois mes potes, autant je n’ai pas encore franchi le pas de montrer mes poils. Mais là, on est exactement, je pense, dans le cadre de Rose Bonbonne : pourquoi doit-on s’épiler ?? Finalement on pourrait se dire que ces poils, c’est assez sensuel. Ca me rappelle 2 bouquins de John Irving (a Widow for one year, et Until U find you, je crois) où un des personnages est tout émoustillé en voyant une femme avec des aisselles non rasées, il trouve ça très nature et donc très excitant. Et dans « Le Grand appartement », scène assez chouette où Laetitia Casta assume ses aisselles poilues. Hé ben, j’aimerais y arriver aussi, et je regrette de céder à la pression qui m’empêche de le faire. Je me sens profondément femme, j’ai un corps féminin, une voix féminine, des envies féminines. Si je ne me pomponne pas, je me sens moins soignée, oui, mais moins féminine, jamais.

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