Une Perle des Rattes

Il y a des moments magiques dans ce bureau. Des moments où une conversation devient tellement surréaliste que je me fais toute petite, retenant mon souffle, espérant que le miracle va se poursuivre, que les autres ne vont pas soudain s’apercevoir que je les écoute et tuer dans l’oeuf le petit bijou de bêtise qui est en train d’être façonné avec amour.

Quelle émotion, mon prochain sujet d’article qui est en train de naître.

Je vous livre ainsi la dernière « perle des rattes » en date, toute fraîche.

Ca commence avec Psyko qui ronchonne toute seule :

« Rhaaa, c’est pas vrai!… « 

Un instant de suspense stratégique, puis elle s’explique :

Psyko : « J’ai une copine, ça m’énerve!… Elle n’a rien à foutre de la journée, elle ne travaille pas, elle est à la maison avec son fils, et elle m’envoie des blagues. J’ai pas le temps de les lire, je dois bien en avoir cinquante comme ça »

Tout le monde acquiesce. C’est quand même hallucinant, ces femmes au foyer qui n’ont pas envie de travailler et qui préfèrent rester chez elles.  La copine en question aggrave son cas : non, elle n’est pas en congé parental, apparemment (un « rhôoo » de désapprobation) : c’est elle qui préfère s’occuper de son fils (murmure d’incrédulité).

Zut alors, je suis la seule qui aimerait bien être un peu moins souvent au bureau et plus souvent avec ses enfants ?… Je suis ravie que toutes les trois adorent leur travail au point d’être là par choix et nullement pour de vulgaires visées matérielles ou financières. Je suis apparemment aussi la seule  à avoir trouvé que s’occuper d’une maison et d’enfant(s) était au fond bien plus éreintant que d’aller faire ses trente cinq heures avec  des personnes adultes qui ne piquent pas de colères et ne vous demandent pas d’être à trois endroits à la fois, eux, au moins.

Accessoirement, si Psyko parle comme ça de ses copines, je ne perds pas bien lourd à ne pas en faire partie.

Ça continue.

« Vous vous rendez compte, en fait elle a peur de mettre son enfant à l’école en septembre, elle me dit, je n’imagine même pas comment je vais faire pour être séparée de lui. »

Binômette « Rhôoo! Quelle chochotte, il ne va quand même pas en mourir! »

Djeunette : « Elle ne veut pas couper le cordon ombilical, ah, ces parents qui ne veulent pas lâcher leurs enfants,  je ne les comprends pas. »

Psyko : « Oui, elle a peur qu’il aie soif et ne puisse pas demander de l’eau… »

Binômette :  « Rhôôôô… bin il va le dire! »

Psyko : « Elle le surprotège, elle va en faire une tafiole! »

Ca, c’était Psyko, qui commence en fait à bien me plaire : soit elle est en plein troisième degré et je suis la seule à le comprendre comme ça, soit elle est sérieuse et alors….. alors je ne sais pas quoi penser, j’ai du mal à croire que ça ne soit pas du troisième degré. Je retiens mon souffle.

Binômette (après un instant de prise de conscience politiquement correcte) : »Qu’est-ce que tu as contre les pédés?

Psyko (hilare à présent) : « Hi hi hi, Les pédés, rien. Enfin, les tarlouzes, hihihi, les fils à maman, quand on surprotège un enfant.. »

Djeunette :  « Bin moi, je ne comprends pas les parents qui veulent à tout prix mettre leurs enfants à l’école. »

Personne d’autre que moi ne semble remarquer qu’on vient de passer d’un discours anti surprotecteurs à un discours pro surprotecteur. Mais ça ne fait rien, tout le monde a toujours l’air d’accord avec les autres, c’est le principal.

Suivent deux histoires d’enfants de l’entourage de mes voisines que l’on a balancés à l’école alors qu’ils ne savaient pas un mot de français et qu’ils étaient complètement paumés. Et voilà pourquoi, en fait, il faut réfléchir à deux fois avant de mettre un enfant à l’école.

Soudain, Psyko soupire bruyamment : « Ca y est, ça recommence !!  Elle m’envoie un autre mail. »

Binômette (trépignant d’impatience de faire moucher l’importune) : « Dis-lui qu’elle te dérange et que tu es en train de travailler ».

… De travailler ? No comment.

4 Comments

  1. ralphy Says:

    S’il fut un temps où je n’aurais jamais envisagé d’autre avenir qu’au bureau, j’avoue qu’avec l’âge, et en quête de relations humaines riches, je me demande si je ne préférerais pas consacrer mes journées, si cela m’était possible, à m’occuper de ma progéniture. C’est certainement plus gratifiant de veiller à l’éducation de ses enfants, le projet d’une vie, que de quelconques dossiers dont personne ne se souviendra dans un mois.

  2. Cinn Says:

    Vu sous cet angle, je ne peux que respecter ton point de vue. Hélas, je ne suis pas assez patiente pour faire un boulot pareil à 100%.

  3. ralphy Says:

    Dans ces cas-là, il faut impérativement déléguer. 😀

  4. Cinn Says:

    > Ralphy : Peut-être embaucher quelqu’un pour lire ses mails de blagues ?

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