Archive for the ‘Mes demi-clones’ Category

T-t-t-t-t-thééééérapie

Ca ne se voit pas sur un blog, mais oui, on bégaye. Enfin, Raphaël bégaye, et moi aussi, un peu, en tout cas assez pour m’être dit qu’il fallait faire quelque chose pour tenter de lui éviter ce handicap dans sa vie future.

stutterVers 2-3 ans, on a demandé son avis au médecin, qui a dit que c’était très fréquent et qu’il ne fallait pas s’inquiéter avant au moins 4 ans.

A 3-4 ans, j’ai appris que le conseil donné précédemment, c’était la vieille école. Qu’en fait, au contraire, il fallait traiter le souci le plus tôt possible.

Grâce à l’Association Parole Bégaiement, j’ai pu trouver l’adresse d’une orthophoniste formée (ils ne le sont pas tous) aux nouvelles méthodes.

L’ancienne méthode consistait essentiellement à trouver des palliatifs, des trucs pour que le bégaiement ne se voie pas. Allonger certains sons, en éviter d’autres, trouver des mots, des périphrases pour remplacer ceux qu’on ne peut pas dire. Certains bègues mettent en oeuvre d’eux-mêmes ces béquilles : j’ai appris à l’occasion que Lex avait bégayé très lourdement étant plus jeune, et que parler était encore un souci constant pour lui, alors que je ne m’étais jamais rendue compte de rien.  Autrement dit, pour ceux-là, parler reste une difficulté, un passage en force ou contournement permanent, mais ça ne s’entend pas. La nouvelle approche consiste en quelque sorte à dédramatiser la parole, à considérer que les petits accidents de parole sont normaux et à éviter de provoquer une crispation dessus, puisque c’est la crispation qui provoque un cercle vicieux et qui provoque et aggrave le bégaiement. Au contraire, on tente de faciliter la communication, pour que la personne acquière au contraire un réflexe de détente. Pour cela, il est important que l’entourage (donc, pour un enfant : les parents, la maîtresse, etc. ; mais vous pouvez appliquer ça aux bègues que vous connaissez) soit informé de ce qu’il faut faire et ne pas faire : exemple :

  • ne pas donner des conseils techniques (de respiration, par exemple),
  • ne pas obliger à répéter un mot ou une phrase jusqu’à ce qu’ils soient corrects ;
  • ne pas faire comme si de rien n’était, comme si c’était normal : ne pas attendre sans rien dire que la personne ait fini de parler;
  • au contraire, exprimer la présence du trouble ("tu as un peu plus de mal à parler aujourd’hui ? Je vais t’aider…")
  • ne pas laisser la personne s’enliser dans son bégaiement : suggérer des mots, ou un contexte.

Bref, c’est une approche radicalement différente… et j’avais envie d’en dire un mot pour répandre (un peu) la bonne parole.

 

pour plus d’information : un tout petit livre d’Elisabeth Vincent :" Le bégaiement, la parole désorchestrée", aux éditions Les Essentiels Milan.

Tempête dans un verre à dents

Que faire quand on vous pique votre brosse à dents ? Réagir ou se taire ?

Relever l’affront ou laisser courir ?

hippoRéagir,  c’était peut-être faire une montagne de pas grand-chose, et accessoirement risquer un certain ridicule. Parce que en vrai, qui n’a pas plus ou moins fortuitement échangé des gouttelettes de salive avec autrui, sans lui demander de certificat médical préalable et sans en mourir pour autant ? Certes, ce n’est pas indiqué en cas d’épidémie de tuberculose, mais enfin, je ne connais pas de cas dans mon entourage immédiat. Le principal, avec une baby-sitter (surtout une qui n’intervient qu’exceptionnellement), c’est que les enfants soient bien avec elle, pas que toutes les maniaqueries de la maîtresse de maison soient respectées à la lettre.

Oui, mais se taire, c’était encaisser une très mauvaise surprise, c’était laisser dans l’ombre quelque chose qui me mettait mal à l’aise.

Il y asdb quelques temps, je me suis aperçue par hasard que Emerence, au moment d’emmener Raphaël à l’école, récupérait au passage une autre petite fille. Oui, alors que je la payais pour s’occuper de mon fils. Cela ne m’a pas dérangée qu’elle continue (après tout, je ne pense pas que cela change grand-chose pour lui) mais ma confiance en elle a été définitivement ébranlée par le fait qu’elle n’a pas jugé utile de m’en parler. Quand on ne parle pas d’une chose importante, de combien de choses moins importantes ne parle t’on pas ? Je n’avais pas saisi l’occasion, à l’époque, de lui poser au moins la question, et je le regrette.

Alors, j’ai composé le numéro d’Honorine.

Au début, Honorine a cru qu’il y avait un problème sur la brosse que Raphaël utilisait. Elle m’a expliqué laquelle il prenait. Quand je lui ai expliqué plus précisément mon souci, elle a ri.

En réalité, Raphaël avait légèrement déformé les faits. C’est lui-même, le traître, le charmeur, qui avait proposé ma brosse à dents à Honorine, et elle qui a mis les choses au point : non, ça ne se prête pas, oui, je me suis déjà préparée chez moi avant de venir.

Parfois, la vérité qui sort de la bouche des enfants, c’est leur vérité.

Une nounou dents fer

FranfineHonorine, décidément, malgré l’absence, mon fils t’adore.

Cette semaine, exceptionnellement, Honorine a accepté de me dépanner un matin où j’étais en panne de nounou. Mais lorsque j’ai annoncé à Raphaël le retour d’Emerence, la déception du petit était palpable.

Lui (geignard) : "Je préfère quand c’est Honorine!" Moi (encourageante) : "Ah ? Mais pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle fait, Honorine?" Lui (souriant en coin, l’air de dire que Honorine est vraiment une sacrée rigolote) : "Elle se brosse les dents avec nous!" Moi (mal à l’aise) : Ah bon ? Et avec quelle brosse à dents? Lui (vraiment, quelle boute en train, cette Honorine!) : "Avec ta brosse à dents!" Moi (blanche, voulant en avoir le coeur net) "ha haha… c’est une blague, n’est-ce pas?" Lui (un peu inquiet maintenant) : "Heu, non,c ‘est pas une blague"

Berk. Berk. Berk. On peut faire confiance à personne.

Mon sang ne fit que 98 tours… (à suivre, comme dirait Gorgonzolla)

On ne devrait jamais apprendre à compter aux garçons

bougiroses"Et bien, tu sais, Maman, moi je sais compter jusqu’à cinquante-neuf! –  C’est vrai ?... [cherchant à pousser encore plus loin les limites du savoir] : Il y a quoi après cinquante-neuf ? Tu le sais?

Euuuh…zone30_kmh – Tu te souviens de quel âge a Mamie ?

(Une demi-seconde d’hésitation, puis la réponse fuse) :

TRENTE !"

Conte mièvreilleux

(Avertissement préalable : ce billet est truffé de spoilers. Ne le lisez pas si vous avez prochainement l’intention de regarder un « conte de filles »)enbleu

C’est un monde où tout le monde est beau ou belle, et où il y a beaucoup de bons sentiments, très peu de méchants et pas du tout de vieillards. Une mère et sa fille s’y ressemblent comme deux gouttes d’eau, sans un bouton d’acné de l’une, ni une ride ou une once de cellulite de l’autre.

Où les animaux parlent. Où le choix d’une tenue de bal avec accessoires est un enjeu existentiel.

Où tout le monde pousse la chansonnette (chorégraphie comprise) à la moindre occasion. Il y a d’ailleurs peu de personnages masculins : à part le jeune premier, les hommes sont relégués à quelques rôles secondaires (par exemple, à la fin de l’histoire, la jeune princesse retrouve sa mère, mais se fiche comme de son premier diadème de savoir où diable peut bien être passé son père).

Je viens de découvrir (en même temps que mes demi-clones) l’histoire de Ba**ie, Princesse de l’Île Mièvreilleuse Merveilleuse.

lucianaLes demi-clones en raffolent.

Je vous raconte un peu l’histoire, mais pas tout, hein, il ne faudrait pas gâcher le suspense.

Une petite fille blonde échoue sur une île déserte après un naufrage. Par bonheur, s’est échouée avec elle sa malle avec toutes ses robes, bijoux et chaussures. Elle est élevée avec les animaux de l’île qui deviennent ses amis. Elle ne se souvient ni de qui elle est, ni d’où elle vient.

Dix ans plus tard, un jeune prince aventureux vient explorer l’île, découvre la demoiselle et décide de lui faire découvrir la civilisation. Il faut dire qu’il lui doit une fière chandelle : il a failli se faire manger par des crocodiles, mais comme elle sait parler aux animaux, il lui a suffit d’intervenir en leur disant grosso modo « Allons, allons, fini de jouer, il ne faut pas manger le monsieur, voyons » pour qu’ils tournent les talons en bougonnant.

Ils tombent amoureux l’un de l’autre, mais leur mariage est impossible : héritier du trône, le prince ne peut épouser qu’une princesse (j’en vois qui commencent à anticiper sur le dénouement. C’est très vilain.). Il doit épouser la princesse Luciana, une brune toute gentille, mais avec qui il y a une incompatibilité d’humeur flagrante puisqu’elle aime l’opéra alors qu’il préfère l’équitation.

En fait, c’est la mère de Luciana, Ariana, qui est derrière tout ça, une très méchante qui n’arrête pas de vouloir assassiner le roi, notamment en empoisonnant tout le monde le jour du mariage pour devenir calife à la place du calife reine.

Heureusement, au final, Ariana reçoit le châtiment de ses crimes, l’humiliation suprême : elle se fait… comment vous dire ? Ce sont des images un peu dures, il est vrai, mais il faut parfois savoir, avec courage et lucidité, montrer que celui qui fait le Mal voit parfois son karma se retourner contre lui tel le boomerang sur la gueule de l’aborigène maladroit. Je vous dirai donc la vérité sans détour : à la fin, Ariana se fait tacher sa robe avec la fange des cochons! C’est atroce.

Il en est des barbieseries comme des poupées B**bie : affligeant… et en même temps, j’aurais adoré avoir les mêmes quand j’étais petite. Alors comment prétendre que je n’aime pas, alors qu’au fond de moi il y a aussi une Cinn de 8 ou 10 ans d’âge mental qui ne perd pas une miette de l’histoire ? Alors, aurez-vous le talent de deviner d’imaginer la fin de l’histoire ?

Petite voleuse

Hier, je fus héroïque.

Le beau temps incite parfois à de coûteuses emplettes. Avec des demi-clones, c’est encore pire : on est bien obligé de passer par la case shopping quand la belle-saison arrive et que :

– on a un beau stock de vêtements jolis et en bon état, à la bonne taille, mais qui ne seront utilisables que vers l’automne prochain (quand les demi-clones auront pris cinq bons centimètres et rien n’ira plus) ;

– la crème solaire de l’an dernier est périmée (à ce qu’il paraît, ça se remplace tous les ans),

– les lunettes de soleil de l’an dernier sont restées enfouies quelque part dans un tas d’affaires chez le papa des enfants,

– et les chapeaux de soleil de l’an dernier sont devenus trop petits.

Donc achats. Et mille envies des enfants qu’il faut refuser : OOOOH oui, que c’est joli, mon chéri, ce surf Spiderman Mais vois-tu, ça ne sert à rien de l’acheter, on ne pourra pas s’en servir puisqu’on n’a pas la mer ici. hahaha. Allez, va donc le remettre à sa place. Oui, oui, magnifique aussi, ce liquide à bulles Dora l’Exploratrice…. etc, etc. Jusqu’au moment de passer à la caisse pour un montant d’achats à peu près égal au PIB de la Gamsakadobie : Non, ce sac à dos (encore cette Dora!), tu n’en as pas besoin, voyons !… Tu as déjà un autre sac à dos (d’ailleurs où est-il passé celui-là ? Aurait-il échoué chez le papa, encore une fois?). Bref, une fois ruinée, et sur le chemin du retour, je remarque une certaine épaisseur derrière le dos de Laura, assise dans sa poussette. Une épaisseur verte. … C’est à nous, ça?… Je regarde de plus près. Enfer et damnation. C’est le sac à dos de Dora. Tout aplati. Sans que je m’en aperçoive, pendant que je réglais, Laura a réussi à mettre se mettre le sac sur le dos avant de remonter dans la poussette. On est sortis du magasin avec, et sans l’avoir acheté. Ca ne porte pas un nom, ça ? On est à cent mètres de la maison. Alors je me suis dit qu’on était presque arrivés, que le mal était fait et que tant pis, que ce n’est pas un pauvre sac à dos pour enfant qui allait mettre sur la paille ce magasins de pourritures capitalistes qui affichent les prix les plus élevés de la région et qui profitent indûment du fait que j’habite à côté et que j’ai encore assez souvent la flemme d’Sans_titrealler plus loin. Que des disparitions mineures de ce genre sont sûrement prévues au budget de l’entreprise (composée d’atroces spéculateurs, rappelons-le). Que si Laura avait pris ce sac, c’est que sans conteste, ça lui faisait plaisir, -parce que c’est rare qu’elle flashe sur quelque chose à ce point-, et que ce serait cruel de le ramener au magasin maintenant qu’elle avait l’impression que le sac était à elle. Que de toute façon, personne ne viendrait me demander des comptes, maintenant que le cap crucial de la sortie du magasin était dépassée. En plus, rappelons-le, on était quand même presque arrivés à la maisonangelet, alors hein. Au fond, je ne nuis réellement à personne, et notamment ma fille est contente. C’est pas bien, de faire le bonheur de sa fille, peut-être?… Et puis je me suis rendue compte que c’était quand même un peu la voie de la facilité, tout ça. Que garder cette babiole sans la payer, 1) c’était pas beau, 2) ça donnait un très mauvais exemple pour les enfants, insidieux mais tellement parlant. Alors j’ai fait demi-tour. Héroïque, je vous ai dit. Mais pas infaillible : j’ai quand même craqué et décidé de payer l’objet. Vous savez ce qui s’est passé au moment de repasser à la caisse ? Au moment de scanner l’étiquette, la caissière a ouvert le sac et regardé l’intérieur. …….Peut-être qu’elle croyait que je cachais quelque chose dedans pour l’emporter sans payer ? Ce monde est d’un méfiant….

Les sauveurs

indestructibleDans une situation de détresse, le premier réflexe de Laura est de rechercher un sauveur ou une sauveuse.

Exemple de situation de détresse : on essaye de la contraindre à mettre des baskets alors qu’elle préfèrerait des bottes, à mettre des après-ski alors qu’elle voulait les sandales, à aller à la crèche alors qu’elle serait volontiers restée à la maison, à mettre un pantalon alors qu’elle voulait une robe, ou bien les chaussures marron à la place des chaussures roses (trop petites, certes, mais très jolies), etc. On ne compte plus les ordalies pour une petite fille, surtout si elle a du goût en chaussures.

A qui faire appel, alors, dans une situation aussi abominable ?

Deux conditions : il faut que la personne soit 1) une personne de confiance, et 2) différente du bourreau auquel elle a présentement affaire. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit présente (après tout, on ne sait jamais, la personne pourrait arriver puisqu’on l’appelle).

Ensuite, tout dépend des circonstances.

On peut appeler à la rescousse Papi ou Maman si Mamie vous fait des misères alors qu’on passe des vacances chez elle. Ou Mamie, si c’est Papi qui vous tourmente.

De retour de vacances, on peut pleurer après Mamie quand Maman vous emmène de force à la crèche.

superherosChez Papa, on peut appeler Maman, et vice versa.

Le postulat est limpide : si l’on fait appel au bon coeur d’une personne extérieure, il y a une petite chance qu’elle ne partage pas l’opinion de l’autre sur le calvaire qu’on vous fait endurer et qu’elle vole à votre secours. En gros, elle mise sur les divergences éducatives entre les uns et les autres.

Hier, pour la première fois, elle a eu l’idée d’appeler au secours son grand frère.

C’est vrai, c’est connu, les grands frères, c’est fait pour protéger les petites soeurs. Pour intervenir si un importun vous fait des misères dans la cour de récré. Pour régler son compte au malotru qui vous ferait "prrrrrt" en vous tirant la langue alors que tout ce que vous avez fait, pauvre innocente, c’était lui faire "flebllelblrrrt" en tirant la langue et essayé de le taper (c’est comme ça qu’on drague les grands de 3 ans, quand on a 2 ans). Ah, que de souvenirs de bravoure. Ce jour là, "Af’ël" s’est physiquement interposé entre sa petite soeur et le fâcheux, lequel n’a pas tardé à se carapater.

Revenons à nos moutons. Maman, donc, entraînait Laura vers sa chambre pour l’obliger (c’est atroce!) à se mettre en  pyjama. Alors a jailli l’appel de détresse : la main tendue d’espoir vers le sauveur potentiel, Laura s’est écriée :

"Af’ eeel! Af’eeel!".

Raphaël, en apparence stoïque (mais qui était certainement la proie d’un déchirant conflit de loyauté interne) a répondu :

"J’te sauve même pas, moi". N’est pas superhéros qui veut.

Le Mystère de la Salle de Bains Bleue

… ou l’énigme du Doudou Passe-Murailles, si vous préférRouletabilleez.

Oui, vous avez bien lu. Jai été le témoin d’une expérience quasi-surnaturelle : la téléportation d’un doudou.

Prenez un doudou (un bout de foulard en l’occurrence) de couleur vaguement bleue, humecté d’eau à la suite d’une bêtise conçue, mise en scène et produite par Laura. Hummph.

J’ai mis le doudou en question à sécher sur un petit séchoir métallique, d’environ 60 cm de hauteur, dans la salle de bains, nonobstant le désaccord manifeste de sa propriétaire, que j’ai laissée devant la porte (fermée) de la salle d’eau, se roulant par terre en signe de dépit et de mouvement social unipersonnel.

Entendons-nous. Jusqu’à nouvel ordre, Laura ne sait, ou ne savait pas, ouvrir la porte de la salle de bain. Elle ne pouvait donc  en principe pas récupérer le bout de serpillière le précieux foulard. Et pourtant, elle s’est présentée environ deux minutes plus tard pour un petit câlin dans mes bras, avec ledit doudou, que j’ai d’abord pris pour un autre bout du même foulard bleuté (les doudous-foulard ont tendance à se déchirer en plusieurs morceaux).

Puis, un témoin de la scène m’a mis la puce à l’oreille en venant retracer spontanément l’incident dans tous ses détails sur le lieu du crime (la salle de bains) :

"Regarde ce qu’elle a fait, Laura ! Elle a commencé par allumer la lumière, et puis elle a ouvert la porte, et regarde ! Le doudou n’est plus sur le séchoir. Et il n’est même pas par terre". Le témoin du crime était éloquent, très convaincant. Trop convaincant même.

holmesJ’ai replacé le doudou sur le séchoir, refermé la porte, et dit à Laura qu’elle pouvait aller récupérer son doudou. Elle m’a regardée, l’air impuissant, puis la poignée de la porte (toujours trop haute pour ses menottes). Puis moi. Puis la poignée de la porte. Toujours l’air de ne pas trop savoir quoi faire.

J’ai regardé Raphaël.

"Dis donc, Raphaël, ce ne serait pas toi qui as ouvert la porte à Laura?..."

Sourire en coin un peu gêné de l’intéressé.

"Mais je lui ai interdit de toucher au doudou ! Et elle m’a dit qu’elle n’allait pas y toucher, mais je crois qu’elle a menti!"

La loi universelle des enquêtes policière a encore frappé : c’est toujours la faute des autres.

Si Perrault m’était conté

Un gentil libraire m’a offert un petit recueil de contes de Charles Perrault à l’attention de mes demi-clones. En version originale sous-titrée (c’est-à-dire avec quelques remarques explicatives sur le vocabulaire et la grammaire utilisés). Evidemment, parce que le style de langage tranche un tantinet avec le style des contes pour enfants. On a des tournures comme "ils ne purent parler de cela si secrètement qu’ils ne fussent entendus par le Petit Poucet, qui fit son compte de sortir d’affaire comme il l’avait déjà fait ; mais quoi qu’il se fût levé de bon matin…" etc, etc. Intelligible quand on est allé au lycée, mais un peu moins quand on a 4 ans. Il y a aussi des mots qui ont changé de sens depuis, et qu’il faut expliquer. Quand la future fiancée de Barbe-Bleue commence à le trouver "honnête homme", c’est qu’elle est en train de craquer pour lui, pas qu’elle admire sa probité. Plus tard, "Il faut mourir, Madame, et tout à l’heure", ça ne veut pas dire un peu plus tard. Ca veut dire tout de suite. Barbebleue Ce qui est curieux, c’est que ça n’a pas dérangé mes demi-clones. Raphaël a écouté religieusement les histoires que je lui y ai lues, et malgré quelques questions, il suit visiblement la majeure partie de l’intrigue. Par exemple, dans "Barbe-Bleue", aussitôt la clé du fameux cabinet confiée à Madame Barbe-Bleue et le mari d’icelle parti en voyage d’affaires, a fusé la question "Et alors, est-ce qu’elle est allée voir dans le cabinet?". Il s’est aussi très vite identifié aux Cavaliers qui pourfendent Barbe-Bleue à la fin, et n’a posé aucune question à ce jour sur le fait que l’un d’eux est un "dragon". Le contenu des contes change aussi pas mal. Je sais bien que les "contes du temps passé" de Perrault ont connu plusieurs versions, avant et après lui, mais il y aurait beaucoup à dire sur les différences entre sa version des histoires, et celle qui est restée. On nous cache tout. J’ai redécouvert que quand la Belle au Bois Dormant se réveille après ses cent ans de sommeil, on est à peu près à la moitié de l’histoire. Elle n’a pas un début de vie maritale facile, la Belle au Bois Dormant. Il faut voir, après, ses démêlés avec sa belle-mère qui veut lui manger ses enfants (Jour et Aurore), accommodés à la Sauce-Robert. Un autre exemple. Là où ma version du "Petit Chaperon Rouge"  (illustrée et avec des mots simples, et qui n’explique même pas pourquoi le loup ne mange pas immédiatement la petite fille dès qu’il la rencontre dans les bois, ce qui serait quand même plus logique pour un loup qui n’a pas mangé depuis trois jours), le début de l’entrevue entre le PCR et le loup déguisé en mère-grand se passe ainsi, vous savez, juste avant "Oh, comme vous avez de longs bras": chaperonrouge2 Version édulcorée : "Comment allez-vous, Grand-Mère? interrogea t’elle. -Mon enfant, je suis bien faible, et j’ai très froid ! chuchota le loup. Approche-toi un peu de moi. Le Petit Chaperon Rouge obéit et avança." Dans la version de Perrault, c’est beaucoup plus…euh, comment dire? "Le Loup, la voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit sous la couverture : -Mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche, et viens te coucher avec moi". Le Petit Chaperon Rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa Mère Grand était faite en son déshabillé, et lui dit…" Disons qu’on voit transparaître beaucoup plus nettement la morale finale et l’avertissement aux jeunes filles sur les bad boys mielleux. Il y a aussi beaucoup d’humour. Le Prince qui réveille la Belle au Bois Dormant, par exemple, se garde bien de lui dire qu’elle est habillée comme sa grand-mère (on n’y pense pas assez, mais ils ont cent ans de différence d’âge, ces tourtereaux-là). Une fois la nuit de noces venues, il est précisé qu’ "ils ne dormirent pas beaucoup, la Princesse n’en avait pas besoin". Il y a aussi l’ogre du Petit Poucet qui fait des jeux de mots, en demandant à sa femme d’ "habiller" les petits garçons qu’il croit avoir tués, alors que sa femme croit qu’il veut qu’elle les vêtisse. Je crois que mon passage préféré reste celui où Riquet à la Houppe, qui est très laid, devient le plus beau prince du monde après que sa princesse a accepté de l’épouser. riquetPerrault émet tout de suite des doutes sur la version classique de l’histoire. Il suggère plutôt que c’est la princesse qui est tombée amoureuse de lui et qui le voit plus beau qu’avant : "… [qu’elle] ne vit plus la difformité de son corps ni la laideur de son visage, que sa bosse ne lui sembla plus que le bon air d’un homme qui fait le gros dos, et qu’au lieu que jusqu’alors elle l’avait vu boiter effroyablement, elle ne lui trouva plus qu’un certain air penché qui la charmait ; ils disent encore que ses yeux, qui étaient louches, ne lui en parurent que plus brillants, que leur dérèglement passa dans son esprit pour la marque d’un violent excès d’amour, et qu’enfin son gros nez rouge eut pour elle quelque chose de Martial et d’Héroïque". Mignon, non?

TC sans PC

Si on vous dit "service des urgences", vous pensez quoi ?emerg

1) des blouses blanches affairées et stressées qui courent dans tous les sens, prélèvent du sang pour des NFS et autres contrôles de routines, perfusent, diagnostiquent, sauvent des vies ; des couloirs encombrés de blessés ensanglantés ou de TS miraculées, attendant patiemment que les médecins aient le temps d’examiner leur cas. De préférence avec Georges Clooney dans les parages.

ou

2) un espace de jeu où un petit garçon en pleine forme fait du coloriage, avant d’aller faire du trampoline sur un brancard et de rigoler quand l’interne l’examine parce que ça le chatouille ?

C’est pourtant la seconde version à laquelle j’ai eu droit ce week-end.

Quoi de plus absurde que d’aller aux urgences alors qu’on est en pleine forme ?

Je vous raconte.

fontaine_zen_decoTout est parti de la visite chez Tata (oui, la même qu’hier). Tata vit en célibataire, mais est néanmoins extrêmement bien équipée pour une visite de neveux/nièces en bas âge. Mention spéciale pour sa batterie de jeux éducatifs (ordinateur portable, fontaine japonaise zen conçue sans aucun doute pour que les enfants s’exercent à empiler les petits galets dans les tubes en bambou, lampe ronde fascinante qui change de couleur dans le noir) et pour son canapé aux nombreux coussins assortis.

Ledit canapé et lesdits coussins servent à construire divers jeux éducatifs. Château avec remparts. Caverne où on se cache. Voiture. Et surtout, surtout, une invention de Raphaël appelée, je vous le donne en mille : "la Machine à Pas Beaucoup d’Equilibre".

Je suis sûre que vous commencez à entrevoir où je veux en venir.

La machine en question consiste en un empilement de plusieurs gros coussins. Et on en tombe finalement assez facilement.

Techniquement, il s’est agi d’un Traumatisme Crânien sans Perte de Connaissance. Mais comme Raphaël se plaignait d’avoir mal "sur toute la Terre entière" (à dire en gémissant pitoyablement et en se frottant toute la tête) et surtout parce qu’il a vomi juste après l’incident, il était nécessaire de vérifier que rien de grave ne se passait sous cette tête blonde, pardon, ce crâne blond.

A part ça, il était en pleine forme. Nous avons au total passé deux heures et demie au service des urgences (il ne faut pas être pressé dans ce genre d’endroit), pour un temps total d’examen de 10 minutes environ (5 par l’infirmière et 5 par l’interne) et Raphaël ne s’est pas ennuyé un instant.

D’abord, il y avait plein de jeux pour les enfants dans la salle d’attente : miroir déformant, machine à faire des coloriages électroniques, labyrinthe, table à dessins, et j’en passe.

Ensuite, la salle où l’on a attendu l’interne était vraiment marrante. Un lit qui monte et qui descend, des appareillages et des tuyaux partout, un lavabo magique qui verse de l’eau quand on met la main dessous, bref, plein de trucs intéressants à voir et à se faire expliquer.

droopyEt puis est enfin arrivé l’interne, un jeune homme qui, pour une fois, ressemblait à un médecin urgentiste. A savoir qu’il avait l’air totalement, complètement endormi. L’air de quelqu’un qu’on a tiré du lit de force à trois heures du matin et qui n’a pas encore eu son café. L’air de quelqu’un qui termine une garde de week-end et qui n’a pas dormi depuis 50 heures. L’air de Droopy qui aurait pris un sédatif.

Une ou deux vérifications de routine ("Marche un peu…? Bien. Tu as mal? Pas très beaucoup? Ah, tu es très intelligent, toi."), des instructions marmonnées pour la suite des choses ("Bon, faut le surveiller, qu’il vomisse pas, tout ça."), et c’était fini.

Cet hôpital là, ça vaut bien un square, pour les jours de pluie.