Matt Huvu, le parship boy

A priori, il avait l’air normal, ce parship boy. C’est même moi qui lui avais fait signe en premier, à cause d’une certaine conception de la gentillesse qu’il exprimait et où je m’étais reconnue. Une première photo qui respirait la beaugossitude chauve, une fiche raisonnablement bien remplie…. Tout allait bien. Un seul signe qui aurait dû m’alerter : Matt disait trois fois sur sa fiche, oui, trois fois, qu’il était « bien physiquement » (alors que bon, il n’était pas mal, mais pas extraordinairement canon non plus). Une fois dans la description générale, une fois dans la description physique, et une fois sous la rubrique « ce que ma partenaire doit savoir de moi »

Nous avons échangé quelques messages, et les choses se passaient correctement. Nous avons convenu de déjeuner ensemble. L’ennui, c’est qu’entretemps, nous avons discuté un peu plus longuement au téléphone.

Matt est un garçon prudent. Il a commencé par s’assurer, par tout un tas de questions, que j’étais assez bien pour lui, sans trop se soucier de savoir s’il me plaisait. Je crois qu’il partait du principe qu’il ne pouvait que me plaire, étant particulièrement irrésistible : la preuve,  par le passé il avait plu à 8 parship girls sur 10 rencontrées. Donc c’est lui et lui seul qui pouvait savoir si ça fonctionnait entre nous. Et puis, quand on est aussi « bien physiquement« , hein… la fille ne va quand même pas faire la difficile.

Ce qui frappe tout d’abord, c’est Matt Huvu est quelqu’un de particulièrement brillant. Il a du succès dans ce qu’il fait, il a tout lu, tout vu, tout fait. Il est doué pour tout, En plus de sa vraie profession, il est docteur, presque aussi bon en médecine qu’un médecin, webmaster, sexologue et psychologue en puissance. Parmi ses projets : un roman, une pièce de théâtre (qu’il jouera lui-même, après le travail), et peut-être un prix Nobel.

Quand il a parlé du prix Nobel, sur le coup, je n’ai pas moufté et j’ai attendu la suite. Il a d’abord fait mine de se rétracter, comme s’il avait plaisanté (haha, tu m’as eue Matt,  c’était rudement bien imité). Et puis il a déclaré qu’il connaissait quelqu’un qui connaissait un membre du jury, et qu’il voyait des gens qui en obtenaient un pour moins que ça. Ah. Bon, très bien et bien fonce, Matt.

Matt dévoile aussi sa peopleitude à la première conversation téléphonique : J’ai pu l’apercevoir à la télé, dit-il, il passe de temps en temps sur telle chaîne. Ce à quoi j’ai répondu qu’il y avait très peu de chances que je l’aie vu, je ne regarde presque jamais la télé. Il y a eu un blanc. Puis il m’a répondu que je devrais.

Matt est aussi à l’aise financièrement. Lors de notre première conversation téléphonique, il a cité au passage l’existence de sa luxueuse résidence secondaire, son taux d’honoraires journaliers et le nombre de jours travaillés par an. Au cas où je ne saurais pas faire une multiplication, il m’a redit tout ça par la suite en me faisant le calcul. Il m’a reparlé plusieurs fois de sa maison, de ses appartements, de son bateau. Mais, Matt, tu n’as pas peur d’attirer quelques femmes intéressées avec un discours pareil ? Enfin, c’est toi qui vois, hein…
Il vous explique qu’il n’a pas vendu l’appartement où habitent son ex et son fils, qu’il continue à le payer, parce que pour une aussi petite somme (il cite la somme à payer par mois, et c’est de l’ordre de votre salaire mensuel), ça vaut le coup pour Mini-Matt.

Oui, parce qu’il y a un Mini-Matt, alors qu’il n’y en avait pas sur sa fiche. Matt part du principe que les femmes rechercheront plutôt des hommes sans enfant (ce qui est absurde : quand on en a, il me semble qu’on se sentira mieux avec quelqu’un qui en a aussi, un parent a beaucoup plus de chances de comprendre la vie et les priorités d’un autre parent qu’un nullipare pourrait le faire). Donc, il est persuadé qu’il va ainsi passer au travers du filtre de femmes qui recherchent un homme sans enfant, pour ensuite les convaincre une fois qu’elles le connaîtront. Évidemment, ce n’est plus tout à fait le même projet, de construire un foyer avec un nullipare et avec un père, mais c’est si peu de chose. C’est mon fils, mon détail, fallait pas qu’elle s’en aille.

Matt a des idées très arrêtées sur un certain nombre de choses. Il déplore, par exemple, que « de plus en plus » de femmes s’habillent « en garçon« . Oui, oui, vous avez bien compris, ça veut dire « en pantalon« .  Préférer les jupes ou les robes c’est une chose tout à fait respectable, mais de là à penser qu’on ne peut pas être sexy en pantalon… ??

J’ai aussi découvert une tendance très irritante à raisonner selon des idées toutes faites. Assez systématiquement, Matt remplace quelque chose qu’il ne sait pas (sur vous, notamment) par quelque chose qu’il suppose ou croit savoir. Lorsque j’ai révélé que mon ex était nord-africain. Il a aussitôt déduit que mes parents avaient été mécontents au départ, et que j’avais dû le défendre auprès d’eux lorsque l’on s’était mis ensemble. C’était plutôt audacieux (et aussi très faux) comme conclusion, puisque je ne lui avais pas dit le moindre mot sur mes parents et leur tempérament.  Il y a aussi eu un couplet « Je sais bien comment ils sont, ces gens là » que je vous épargne.

A un moment où je me taisais, atterrée par autant de nombrilisme : « Ah, là, tu te dis : Intellectuellement, il  y a de quoi voir, mais qu’est-ce que ça donnera physiquement ». Bref, une véritable osmose psychique entre nous.

Mais il était trop tard pour pouvoir encore décemment annuler le déjeuner.

Déjeuner qui s’est néanmoins moins mal passé que je ne l’aurais cru. Matt, malgré son habitude de commencer la plupart de ses phrases par « Moi je« , s’est révélé ne pas être totalement imperméable à l’autodérision et avoir un très joli sourire. Globalement, j’ai passé un bon moment, et Matt m’a très vite dit qu’il sentait que les choses allaient bien entre nous (autrement dit, je lui plaisais).

Parti en week-end, il m’a envoyé des SMS où se dévoilait déjà une tendre inclination. Je lui ai donc gentiment écrit que je pensais que nous n’étions pas vraiment compatibles.

Sa réaction a été étonnante (à suivre).

5 Comments

  1. K Says:

    Mon dieu… Beau et très riche ok, mais à part ça, quel horreur !!!

  2. Roman Age Says:

    Je me pose une question: s’il n’y avait pas eu ces conversations au téléphone et que ce déjeuner avait été votre premier contact, est-ce que tu aurais jugé bon de le revoir (au vu de la description que tu fais de lui pendant ce déjeuner) ?
    Donc d’un côté je me dis que voir la personne en face, voilà ce que c’est que la réalité, voilà ce qui devrait compter, et que c’est dommage que ton avis sur Matt Huvu ait été fixé avant le déjeuner (même à juste titre), à cause de ces conversations au téléphone (qui me semblent bien moins naturelles, avec un inconnu, qu’un déjeuner).
    Mais d’un autre côté, ce sont ces conversations au téléphone qui t’ont permis de cerner le personnage, chose que tu aurais eu du mal à faire en l’espace d’un simple déjeuner, et qu’ainsi tu as évité une perte de temps.
    Allez, au suivant!

  3. Cinn Says:

    > Roman Age : Je pense que oui, je l’aurais certainement revu. Sans ce coup de téléphone, je me serais dit que tout ce « moi je » faisait partie dune sorte de parade amoureuse qui n’allait pas durer, qu’il y avait sans doute quelque chose d’autre derrière (ce qui n’est peut-être pas faux au fond, qui sait?).
    Je ne me serais probablement pas rendue compte tout de suite de ce manque d’écoute et de ce fonctionnement par idées toutes faites et par projections. C’est surtout cela qui m’horripile, en fait.

  4. Letesle Says:

    Cinn, j’admire ton indulgence et ta capacité à passer outre ta première impression… Je pense que pour Matt ça ne te servira à rien, mais souvent c’est une grande force pour les relations humaines.

  5. Martin Says:

    Étonnant, cet individu, sa manière de se présenter à l’autre…

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